"Showbiz" est le premier album de Muse, le groupe étant à l'époque loin d'être le phénomène mondial qu'il va devenir. Muse est le énième nom que les trois jeunes gens (ils sont tous âgés de 21 ans) originaires de Teignmouth se sont donnés, le monde ayant évité de devoir aduler les Carnage Mayhem ou autres Rocket Baby Dolls comme ils se nommèrent à un moment de leur existence. Malgré leur jeune âge, les trois musiciens jouent ensemble depuis presque dix ans et ont derrière eux une déjà longue expérience de la scène.
Cela explique probablement l'incroyable énergie qui se dégage à l'écoute de cet album. Certes, Muse n'est pas le premier groupe a joué un rock survitaminé aux riffs de guitare assassins, roulements de caisse fracassants et basse vrombissante. Mais il y met une telle ardeur que la musique semble à l'étroit et comprimée dans son CD et qu'elle menace à tout instant de déborder.
Car ceux qui ne connaissent le groupe qu'au travers des ondes FM seront certainement surpris de la rugosité des chansons de "Showbiz". Guitares saturées, voix distordues, effets larsen, tempos élevés, le son de l'album est brut de fonderie et la musique se reçoit comme un coup de poing. L'énergie est même parfois un peu brouillonne et le groupe frôle de temps à autres la cacophonie (le final cataclysmique de 'Showbiz', le trash et bruyant 'Sober'). Mais la plupart du temps, Muse domine largement son sujet et il est alors difficile à l'auditeur de lui résister. 'Muscle Museum', 'Cave' et 'Showbiz' sont une brillante démonstration du magnétisme viscéral qui se dégage de l'album.
Tout n'est d'ailleurs pas que fureur et le groupe sait intelligemment faire retomber l'adrénaline dans des moments plus calmes ménagés par quelques titres apaisés, du moins en surface. Le blues détourné et confidentiel de 'Falling Down', 'Unitended', berceuse surnaturelle et contrepoint astucieux à la fureur incontrôlable de 'Showbiz' qui l'a précédé, 'Escape', slow plus désespéré que langoureux ou 'Hate This & I'll Love You', ballade acoustique (du moins sur le début) dont Muse prendra soin d'en insérer une sur chacun de ses albums, permettent aux musiciens de démontrer qu'ils savent catalyser leur bouillonnement intérieur à bon escient.
Enfin, impossible de parler de Muse sans dire quelques mots du chant de Matthew Bellamy. Quelques critiques s'émurent d'une ressemblance avec Thom Yorke (Radiohead) confinant au plagiat. Certes, les deux hommes n'hésitent pas à pousser dans les aigus et leur chant est généralement plaintif, mais la ressemblance s'arrête là. Le timbre de Bellamy est plus aigu et sa tessiture est bien plus impressionnante que celle du leader de Radiohead. Par ailleurs, le chanteur de Muse n'hésite pas à se livrer à une certaine démesure, montant très haut dans les aigus, abusant du vibrato et du groove, et s'éternisant plus que de raisonnable sur des notes étirées à l'extrême. Que sa voix et surtout sa technique ne laissent pas indifférent, c'est compréhensible, mais on ne peut pas enlever à Matthew Bellamy ses capacités vocales ni le fait que sa voix est une signature immédiatement reconnaissable.
Pour un premier album d'un tout jeune groupe, "Showbiz" se pose comme une vraie réussite et un début des plus prometteurs que la suite des événements viendra confirmer. Si le disque est plus âpre et moins discipliné que ses successeurs, il contient son lot de tubes potentiels à l'énergie communicative.