"Showbiz", bien que globalement bien reçu, fut néanmoins un succès confidentiel sur le plan international. Battant le fer tant qu'il est chaud, Muse a enchaîné une tournée promotionnelle après la sortie de son premier album au cours de laquelle il expérimente le matériel qui va lui servir à enregistrer son second disque, "Origin Of Symmetry".
Il est étonnant de voir avec quelle intelligence Matthew Bellamy, Christopher Wolstenholme et Dominic Howard ont su faire évoluer leur musique en corrigeant les quelques imperfections de "Showbiz" sans pour autant se renier. Ce qui ne change pas, c'est l'incroyable énergie que dégagent les musiciens. Les guitares restent bien souvent saturées ainsi que la basse à laquelle Wolstenholme applique de nombreux effets. Plus grande maturité ou meilleure prise de son ? Toujours est-il que la présence de la basse est énorme et qu'elle est le fil directeur de bien des titres. Par ailleurs, les sons, mêmes saturés, font moins bouillie sonore, les distorsions sont "propres", l'énergie est mieux canalisée que sur l'album précédent.
Matthew Bellamy est toujours aussi démonstratif quant à sa façon de chanter et ne fait rien pour amadouer ses détracteurs, bien au contraire. Il va même plus loin dans la démesure, abusant de sa voix de tête pour monter dans des aigus improbables, n'hésitant pas à en rajouter dans le maniérisme théâtral ('Feeling Good') ou l'extravagance ('Micro Cuts'). Mais que l'on aime ou pas Muse, la performance vocale est là et Bellamy assume son extravagance à l'instar d'un Freddy Mercury dont il va de plus en plus se rapprocher.
La qualité des compositions n'a pas diminué, bien au contraire. Si "Showbiz" faisait déjà preuve d'une belle diversité, "Origin Of Symmetry" explore bien des horizons, des tourbillons frénétiques qui happent littéralement l'auditeur dans ses remous furieux ('New Born', 'Bliss'), de l'hispanisant 'Screenager' en passant par l'ambiance BO d'un film noir des années 50 ('Feeling Good') ou d'un western spaghetti à la Ennio Morricone ('Space Dementia'), ou se la jouant techno/électro/rap ('Hyper Music'). L'album fait également un clin d'œil à la musique classique avec l'introduction de 'Space Dementia' reprise de Rachmaninov, le riff Bach-like de 'Plug in Baby' ou encore via l'utilisation des grandes orgues sur 'Megalomania'. Bellamy, sans délaisser la guitare, recourt d'ailleurs de plus en plus volontiers aux claviers, piano, orgues ou synthétiseurs. Le groupe s'essaye même à une approche du progressif sur 'Citizen Erased' avec une mélodie qui n'en finit pas d'évoluer, des cassures de rythmes et des changements d'atmosphères.
Muse a énormément évolué entre le rock alternatif saturé de "Showbiz", original et puissant mais dominé par les guitares et "Origin Of Symmetry" beaucoup plus ouvert tant sur les influences musicales que sur l'instrumentation. Si certains titres assurent la transition avec "Showbiz" ('Hypermusic', 'Plug in Baby', 'Screenager', 'Darkshines'), d'autres tels 'New Born', 'Space Dementia', 'Citizen Erased' et 'Megalomania' ouvrent la voie aux albums à venir.