Un visuel, très beau, où figure une forêt léchée par la brume, un logo d'influence médiévale. En un coup d'oeil, on croit déjà mettre une étiquette sur Canis Dirus, horde encore fraîche en provenance du Pays à la bannière étoilée : du black païen dans la mouvance directe du matriciel Drudkh. En fait, c'est davantage vers l'art noir dépressif d'un Austere, auquel on est obligé de penser, qu'il faut se tourner pour définir la musique proposée sur un premier essai.
Pochette comme il y en a des centaines d'autres bien serrées au chaud dans les bacs des disquaires, contenu avec un air prononcé de déjà-entendu ; bref, dans ces influences par trop évidentes résident la principale faiblesse de Canis Dirus. Le chant hurlé notamment pourrait se confondre sans problème avec celui régurgité par les Australiens sur leur excellent "Withering Illusions And desolation".
Toutefois, ce manque évident de personnalité, qui s'estompera avec le temps, du moins on l'espère, ne doit pas vous faire passer à côté de cet album en tout point digne d'éloges. Les deux Américains y témoignent d'une maîtrise du genre qui ne saurait susciter la moindre réserve. Le son est conforme aux Tables de la Loi qui régissent le black atmosphérique et suicidaire, c'est-à-dire cru sans pour autant s'embourber dans le syndrome "j'ai vomi mon black metal dans une cave éclairée avec mon zippo".
Sur un substrat de guitares grésillantes et polluées juste ce qu'il faut pour sonner sale et terreux, les (longues) complaintes autour desquels s'articule "A Somber Wind From A Distant Shore", érigent un tempo lancinant et volontairement répétitif ('Joyless And The Self Fulfilling Prophecy'). Elles étirent leurs ramifications à travers des paysages sinistres et désolés. Du haut de ses douze minutes, la piste éponyme est à ce titre tout à fait remarquable, balayant des ambiances crépusculaires et pastorales à la fois.
C'est bien fait, très bien fait même et les amateurs des deux entités citées en introduction et d'une manière générale tous ceux pour qui art noir doit rimer avec développements d'une lenteur funéraire, s'y sentiront à l'aise comme dans une cabane perdue au fond des bois et chauffée à la cheminée.
Pourtant parfois, Canis Dirus dévoile, encore timidement certes, les signes d'une identité bien réelle. Celle-ci est à rechercher du côté de ces arpèges sentencieux et sécrétatoires d'une tristesse infinie qu'égrène la porte d'entrée 'Choking And Drowning', ou bien encore dans cette fissure quasi religieuse et d'une grande froideur déchirant 'Garden Of Death'. De même, il y a cette faculté à suspendre le temps ('Joyless And The Self Fulfilling Prophecy') ou à draper des riffs qui se morfondent dans une armure déglinguée, autant de détails plantés dans cette terre noire ravagée qui participent aussi de ces velléités d'émancipation par rapport aux modèles.
Un jet séminal déjà impressionnant et très professionnel et, on espère, première étape d'une carrière durable pour Canis Dirus qui fait preuve d'un savoir-faire certain pour libérer des atmosphères majestueuses bien que mélancoliques.