Un an après la parution du concept album ''Jésus L'aventurier'', les joyeux auvergnats de Jack Dupon, hybride démentiel entre The Residents et Etron Fou Leloublan, reviennent avec un album live ''Tête de chien''. Le livret nous présente le groupe sous trois aspects, l'aspect réel (pour peu que le groupe ne soit pas né de nos fantasmes les plus féconds), l'aspect scientifique (avec les rayons X rappelant la couverture de l'album ''Ars Longa Vita Brevis'' de The Nice confectionnée par Gered Mankowitz), et l'aspect irréel (illustrée par les pâtes à modeler représentant le groupe au grand complet). Ces trois aspects ont pour dénominateur commun, la musique de Jack Dupon.
De ces monstres et aventuriers présents sur le précédent album, Jack Dupon n'en a retenu que cinq dont trois,
culminant à plus de dix minutes et flirtant presque avec les 20 pour 'Modestine'. Face à cette évidente difficulté, le groupe s'en sort vainqueur, créant des atmosphères variées grâce notamment à la structure en questions/réponses vocales et instrumentales sur le dernier titre, l'ambiance étouffante de 'Butch' avec son solo de basse déglinguée (ou son solo déglingué de basse). Le groupe s'autorise même quelques variantes non négligeables. Si la version studio de 'Margaretta' semblait refléter les affres sentimentales mais toutefois joyeuses d'un pilier de comptoir, sa version live, plus sombre débute par les errements de la guitare, cherchant une boucle pour déposer la voix d'outre-tombes de Philippe Prebet, plus compréhensible. Le travail sur les voix semble beaucoup plus clair y compris dans la version d''Ulysse', chantée par le bassiste Arnaud M'Doihoma, avec la gouaille d'un chanteur d'opéra sous acide.
Un DVD intitulé ''Les ronfleurs dorment'' complète ce live. Il s'agit de la captation du concert du 6 décembre 2013 au ''Onze bis'' à Vichy. C'est l'occasion de voir le groupe jouer une musique d'apparence facile mais beaucoup plus profonde. Le montage ciselé nous permet d'avoir une bonne appréhension des locaux, en enchaînant des plans plus généraux et des plans rapprochés dans lesquels nous sommes transportés tout près des protagonistes, parfois trop (comme ces gros plans sur la barbe proéminente du bassiste, ou sur les chaussures du guitariste). Les quatre musiciens font montre de brio, sans temps mort, chacun connaissant sur le bout du pouce sa partition y compris dans le partage du chant assez spontané jusqu'à l'intensité de son final orgiaque qui crée une osmose dans la salle, poussant le public à venir danser. Le concert est entrecoupé de minis clips, proposant un regard sur les quatre joueurs. Avec au programme des animations en pâte à modeler qui rappellent le travail de Jan Švankmajer, et des petits films où planent rêve, folie et bonne humeur.
La maîtrise assurée de leurs instruments et de leur concept pourra apparaître aux néophytes comme schizophrénique, mais ce double témoignage live est une bonne préparation avant l'ascension vertigineuse de leur discographie. Bon, maintenant, il est temps d'aller se recoucher...