"Encore un album de Neal Morse ?" grinchent les réfractaires à l'artiste américain. "Encore un album de Neal Morse !?" s'extasient ses adeptes, ravis de la prolixité de leur idole. Il faut dire qu'en l'espace d'un an, Neal Morse a fait preuve une nouvelle fois de son extraordinaire vitalité en s'investissant dans quatre nouveaux albums ("Kaleidoscope" avec Transatlantic, "Songs From November" en solo, "Second Nature" avec Flying Colors et "The Grand Experiment"). Alors, encore un album de Neal Morse ?

Pas tout à fait. "The Grand Experiment" n'est pas le 8ème album solo de Neal Morse (en ne comptant que les disques d'obédience progressive) mais le premier album de The Neal Morse Band. "Qu'est-ce que cela change ?" s'exclameront les plus sceptiques. A première vue, pas grand-chose. Aux côtés du maestro, on retrouve les fidèles Mike Portnoy et Randy George à la section rythmique, et si le trio se voit compléter de deux nouveaux comparses, Eric Gillette et Bill Hubauer ne sont pas des inconnus puisqu'ils faisaient déjà de courtes apparitions sur "Momentum".

Et pourtant, il n'est pas nécessaire d'écouter plusieurs fois "The Grand Experiment" pour s'apercevoir qu'un vent nouveau a soufflé sur cet album. Oh certes, il ne s'agit pas d'une révolution : que les fans de Neal Morse se rassurent, ils ne seront pas déconcertés par ce qu'ils entendront. Mais même ses plus fervents admirateurs ne peuvent nier que ses derniers albums avaient un air de famille prononcé. Bien sûr, se ressembler dans l'excellence n'est pas très grave, mais cela offrait le flanc aux détracteurs de l'artiste arguant d'un soi-disant manque d'inspiration le poussant à utiliser toujours les mêmes grosses ficelles.

Ceux-ci en seront donc pour leurs frais : composés collectivement et enregistrés dans la foulée, les cinq petits joyaux de cet album sont un melting-pot d'hymnes progressifs symphoniques ('The Call', 'Alive Again'), de hard rock pêchus ('The Grand Experiment') et de sucreries popisantes ('Agenda') sans panne d'inspiration, où se mêlent à la signature mélodique de Neal Morse, des réminiscences de Gentle Giant, Queen, ELO, des Beatles et même CSNY ('Waterfall' et ses sublimes harmonies vocales !). Les harmonies vocales sont d'ailleurs l'un des fils rouges du disque (elles ouvrent symboliquement l'album), les voix des deux nouveaux venus se mariant à la perfection avec le timbre de Neal Morse. Eric Gillette tient même à plusieurs reprises le rôle de lead singer avec conviction, renforçant l'impression d'être en face d'un groupe et non d'un frontman entouré de musiciens de studio, aussi doués soient-ils.

La variété des titres, le recours moins systématique aux longues épopées, l'esprit de groupe qui transparaît dans cette aventure rapprochent "The Grand Experiment" des albums de Spock's Beard (période Neal Morse, bien entendu) ou de ceux de Flying Colors plus que des derniers opus solos de l'artiste. Recyclant intelligemment tout ce qui fait son charme sans se renier, Neal Morse réussit à nous surprendre en plus de nous enchanter et confirme son statut de Très Grand Monsieur du rock progressif.

A noter l'existence d'une version comprenant un cd bonus sur lequel figure deux inédits (moins enthousiasmants que les titres du premier album), une reprise d'un titre de Richard Harris et deux morceaux live jouissifs issus de "One" et  joués lors du MorseFest (le festival privé de Monsieur Morse).