Après seulement deux albums, Anthropia s'est imposé sur la scène métal prog comme l'une des grosses écuries du Power-Prog, et pas seulement en France. C'est d'autant plus remarquable que les niçois n'ont pratiquement pas changé de formation et qu'ils continuent de produire eux-mêmes leurs albums, et quels albums ! L'attente de près de 6 ans a donc été longue et fébrile pour enfin voir le successeur de "Chain Reaction" débarquer sur nos platines.
Déjà rompu à l'exercice du concept album, le groupe remet ça sur "Non-Euclidean Spaces" avec comme toile de fond les écrits de Howard Philip Lovecraft. Son univers fantastique et inquiétant est un parfait terrain de jeu pour Anthropia dont la musique variée et expressive est parfaite pour relever un tel challenge.
Dès les premières mesures, la puissance du son et la qualité de la production frappent l'auditeur. Le travail effectué par le groupe est remarquable de ce point de vue. Et les premiers bénéficiaires en sont les titres qui profitent de cette puissance dès le début de l'album avec 'The Melancholy Of RC' et 'Silver Twilight Lodge'. Les riffs sont surpuissants et l'orchestration finement ciselée met en avant chaque instrument avec une clarté étonnante (la basse ronflante et les claviers orientaux du second). Comme il nous y a habitués, Hugues Lefebvre sert des compositions très élaborées, bourrées de ruptures rythmiques, de breaks, de soli et d'artifices rappelant les plus grands artistes du genre tels Ayreon comme en témoignent les sublimes mélodies de 'The Part Of Them In Me'. C'est d'ailleurs sur ce titre qu'apparaît pour la première fois la voix de Arjen Anthony Lucassen comme narrateur, ultime clin d'oeil d'un groupe qui assume totalement ses influences.
Côté chant, Nathalie Olmi prend un peu plus de place que sur les albums précédents, ce qui ne sera pas pour déplaire à ceux qui trouvaient que l'accent anglais de Hugues laissait parfois à désirer. C'est moins frappant dans cet opus même si ses interventions sont moins nombreuses. La prestation vocale de Nathalie est très expressive tout au long de l'album avec des montées impressionnantes notamment sur 'Seeds Of Decay' où elle rivalise avec des notes de guitare suraiguës. Un invité prestigieux vient apporter toute sa puissance sur 'The Snake Den' en la personne de Edu Falaschi (ex-Angra) pour un titre très power-prog que l'intéressé n'aurait pas refuser de voir sur l'un des albums du groupe il y a quelques années.
Les guitares dominent globalement les débats mais sans étouffer les autres instruments. Hugues Lefebvre fait étalage de sa technique ('Unknown Kadath'), de son touché ('Lost In Time And Space') et son talent transpire de chaque riff, chaque solo. La variété des sonorités est également de la partie dans ce domaine puisqu'il introduit régulièrement des guitares acoustiques lors des intros et des breaks instillant des ambiances plus intimistes. 'Fuoco' est même entièrement interprété en acoustique, sorte de flamenco endiablé aux soli virevoltants et à l'énergie communicative.
Une nouvelle fois, Anthropia vise juste avec "Non-Euclidean Spaces" puisque l'album est un florilège de ce qui se fait de mieux dans le métal prog à tendances power et symphonique. La variété des titres et des thèmes fait passer la grosse heure de musique en un instant. Il faudra tout de même plusieurs écoutes pour apprécier pleinement la richesse de cet album mais les amateurs de métal progressif y sont habitués, c'est même souvent l'aspect qu'ils préfèrent, découvrir un nouvel arrangement, un nouveau thème à chaque écoute. Anthropia leur en donne l'occasion de la plus belle des manières avec un album riche et complexe fait d'un métal progressif de haute volée, encore !