"Symphonie pour le jour où brûleront les cités". Titre cataclysmique (et malheureusement prophétique) pour une musique … cataclysmique.
Même si ses racines remontent à la fin de la décennie précédente, c'est au début des années 70 qu'Art Zoyd prend réellement forme autour du noyau constitué par Gérard Hourbette et Thierry Zaboïtzeff. La formation est atypique, surtout si l'on cherche une filiation entre le groupe français et le rock, même pris dans un sens très large : deux leaders violoniste et violoncelliste de leur état, accompagnés d'un trompettiste, d'un saxophoniste, d'une pianiste et d'un guitariste. Pas de batterie, mais quelques percussions, pas de chant, mais quelques borborygmes divers.
En fait, si Art Zoyd est généralement classifié dans le mouvement RIO, voire assimilé pour ses premières œuvres au Zheul, sa musique tient plus de l'avant-garde et de la musique classique contemporaine que du rock. En préambule, il n'est pas inutile de rappeler qu'il faut être sensible à ce genre de musique, ouvert aux expériences auditives et avoir la patience de supporter plusieurs écoutes avant que de pouvoir trouver du charme à Art Zoyd tant leur approche est non conventionnelle. Et s'attendre ensuite à passer pour un dangereux déviant aux yeux des êtres "normaux" (entendez par là, aimant des musiques mélodiques).
"Symphonie pour le jour où brûleront les cités" est le premier disque du groupe, qui paraît en 1976 (le groupe réenregistrera cette oeuvre quatre ans plus tard sous une autre formation). Si aucun des albums d'Art Zoyd ne peut se vanter d'être facilement abordable, cette "Symphonie" s'avère encore plus hermétique et aride que leur production moyenne. L'aspect expérimental ou "contemporain" est un peu trop affirmé, les qualités techniques des musiciens se cachant derrière de nombreuses dissonances manquant d'empathie.
Cet abord un peu austère est compensé par l'aspect impressionniste dont se pare la musique. 'Brigades Spéciales' distille un sentiment de malaise et d'urgence, les hurlements qui ouvrent le morceau n'étant pas sans rappeler ceux de Christian Vander sur les premiers Magma. Plus loin, les sons lancinants n'inspirent que solitude et désolation. Les sonorités précipitées et discordantes sur 'Les Fourmis', interrompues par des onomatopées rapides et énoncées d'une voix caricaturale évoquent bien l'impression de bêtise qui se dégagerait de personnages gauches et ridicules, à la façon d'un dessin animé. Et le caractère festif et dansant est parfaitement restitué sur 'Scènes De Carnaval'. Mais la nature très (trop ?) déstructurée de la musique n'évite pas toujours l'ennui et l'on attend parfois vainement le déclic.
Résolument sombre et novateur, on ne sort pas indemne de l'écoute de cet album. Le manque de thème mélodique, l'utilisation presque systématique de sonorités dissonantes, la répétitivité des traits, la prédominance d'une trompette et d'un violon agressifs au détriment du violoncelle, du saxophone et du piano dont on regrette la discrétion font de "Symphonie pour le jour où brûleront les cités" une œuvre d'un abord malaisé réservée à un public averti.