Grâce à trois opus majeurs ("The Malediction Fields", "Epoch" puis "Dustwalker"), Fen a su graver son nom dans la pierre, celle servant à bâtir un temple noir qui s'est affranchi depuis longtemps de son socle, édifiant un art terreux et atmosphérique à la fois faisant de lui une sorte de Agalloch de la Perfide Albion. Bien que différents car n'ayant pas les mêmes racines géographiques, les deux groupes nouent suffisamment de liens pour être comparés l'un à l'autre, tous les deux chantres d'un Black Metal évolutif épris d'Absolu.
Grand désormais est le risque pour les Anglais de décevoir, de stagner, ivres d'un style dont ils sont devenus des maîtres et dont on attend forcément beaucoup. Quatrième côté d'une véritable tétralogie divine, "Carrion Skies" est-t-il digne de ses aînés ? La réponse ne se fait pas désirer, s'imposant d'emblée par l'affirmative avec le gigantesque diptyque qui propulse d'entrée de jeu l'écoute vers une qualité exceptionnelle dont on se demande toutefois comment le groupe parviendra à maintenir tout du long de ces soixante minutes de musique.
Car, osons le dire, 'Our Names Written In Embers' se révèle être une des plus belles pièces jamais composées par les Britanniques. Sa première partie s'envole vraiment très haut grâce à des lignes de guitares à la fois goudronneuses et stratosphériques, composition tumultueuse qu'écartèlent de multiples cassures, alternant cadence véloce et pauses contemplatives. Plus court, le second segment achève ce récit en galopant à travers des terres désolées d'une pluvieuse froideur.
"Carrion Skies" ne comporterait que ces deux titres qu'il serait déjà indispensable. S'il serait exagéré d'affirmer que le meilleur reste à venir, force est d'admettre que la suite n'a pas à rougir de la comparaison avec cette monumentale amorce. 'The Dying Stars', où se niche une partie instrumentale d'une déchirante beauté, 'Sentinels' dont les vocalises agressives témoignent que les Anglais sont passés maître dans l'art du clair-obscur, mêlant âpre violence et envolées aériennes ou 'Gathering - The Stones', emporté par une batterie pulsative et des choeurs pleins d'une majesté enivrante, participent d'une inspiration qui jamais ne faiblit.
Avec l'intelligence et la sève créatrice qui l'ont toujours caractérisées, Fen réussi encore une fois à se renouveler, à polir une signature à laquelle on ne peut guère reprocher qu'un (relatif) manque de variété, tous les titres, d'une longueur certaine, épousant une construction au final presque identique... Une menue faiblesse que la très belle tenue de l'album balaie vite, somptueuse offrande à mettre à l'actif d'un groupe qui trône largement au-dessus des autres.