Après le succès d' ''Every Good Boy Deserve Favour'', The Moody Blues retrouve dès janvier 1972 les studios Decca de Londres, au sein desquels ils ont enregistré une partie conséquente de leur discographie. Ce septième séjour (si nous prenons la discographie officielle à partir de ''Days of future passed'') sera t-il un tremplin vers le grand inconnu ou plutôt marqué par la continuité ?
Comme toujours, le groupe choisit comme préambule à son nouvel album une piste efficace. Celle-ci, la bien nommée 'Lost in a lost world', débute par une ligne sonore menaçante prenant des accents légèrement blues à travers la guitare de Justin Hayward, tandis que curieusement Mike Pinder entame son tour de chant. L'ajout discret du hautbois et des choeurs ponctuent la chanson d'agréables touches mélancoliques contrastant avec le manque de puissance émotionnelle de son interprète.
Ceux qui s'attendent à de grandes envolées instrumentales risquent d'être déçus. Si on y retrouve certes des ballades sophistiquées comme 'The Land of make believe' (à ne pas confondre avec la chanson de Bucks Fizz) sur laquelle Justin Hayward prouve toute la richesse de ses cordes vocales, ces dernières ne seront pas les plus grandes réussites de l'album. La perle rare s'appelle 'For my lady' de Ray Thomas, dans laquelle la flûte semble virevolter et nous accompagner sur les chemins d'un amour sincère (pour la petite histoire, le groupe devra s'accompagner d'un orchestre pour la jouer en public car Ray Thomas ne pouvait pas chanter et jouer de la flûte en même temps). L'apport de cet instrument fait également la réussite du single 'Isn't it live strange?' chanté en duo par John Lodge (dont la guitare électrique semble jubiler lors des refrains) et Justin Hayward accompagnés en outre de l'harmonium de Mike Pinder.
Chez The Moody Blues, le sublime côtoie l'anecdotique. 'When you're a free man', malgré l'apport du Chamberlain de John Lodge, accuse beaucoup de ressemblances rythmiques avec une certaine 'Nights in white satin'. Si l'origine de l'élaboration de la chanson 'I'm just a singer (In a Rock and Roll Band)', écrite pour contrer ceux qui cherchent un message à lire entre les lignes, est truculente, cette dernière ressemble à une mauvaise parodie de rock and roll et se rend pratiquement coupable de faute de goût pour conclure cet album.
Les amateurs extrémistes de rock progressif auront déjà cloué le groupe au pilori, lui reprochant des errances mièvres et une pop acidulée sans la moindre ambition stylistique. Les autres se consoleront avec une collection de chansons pop plutôt bien agencée. Cette dichotomie sera à l'origine de la première séparation du groupe juste après la tournée asiatique de 1974 qui se reformera pour de nouvelles aventures symphoniques quatre ans plus tard.