Enslaved est peut-être la nouvelle réincarnation de Opeth, car même si le groupe a lissé son propos, il conserve sa majesté et sa violence. L'amateur de noirceur adulera les édifices titanesque de cette œuvre qui propose des structures progressives bâties sur des fondations black / death. Cette musique peut alors dérouter par son esprit malsain, mais ces sonorités sont autant d'uppercuts qui laissent le néophyte groggy. De plus, les musiciens varient les tempos, jouent avec les ambiances, au travers de constructions labyrinthiques, de jeu d'ombre et de lumière, et d’une multitude de trompe-l'œil.

Évidemment la guitare dirige d'une poigne de fer les évolutions, elle expulse des salves enharmoniques ou plus mélodiques, elle se dépouille et s'approche d'ambiances à la fois contemplatives et extatiques. La batterie éructe du blast surpuissant, des soubresauts épileptiques, mais aussi des cavalcades plus écrasées presque heavy en fait. Quant à la voix, elle est schizophrène: d'un côté elle est forgée aux enfers, elle se gorge de graillons, de crasse et d'éructations caverneuses ; de l'autre elle charme par ses vocalises cristallines dignes du progressif.

Dès les premières secondes de 'Thurisaz Dreaming', la galette nous tabasse par un blast étouffant, puis le morceau se mue en un voyage plus apaisé au rythme moins éprouvant ; les interventions solistes de la guitare sont inhumaines car la mélodie n'est pas au rendez-vous. 'One Thousand Years of Rain' est une pièce tout en subtilité et variations. 'In Times' est titanesque, il passe par des instants d'apaisement, de colère et de puissance ; son final est époustouflant, comme une ultime jouissance post mortem, une dernière dose d'ultra violence. Enfin bien que violente, l'ultime étape sait jouer la carte d'un apaisement bienvenu, lorsque la guitare égrène quelques notes diaphanes.

"In Times" est une galette merveilleuse, une œuvre qui ravira tous amateur du Opeth historique dans laquelle les compositions sont étalées et pleines de variations. Peut-être que la longueur découragera les amateurs de la première heure et fera croire que le groupe renie son héritage... Que nenni, car la noirceur fait partie intégrante de l'identité de l'album. Oubliez donc vos préjugés, il s'agit d'une œuvre majeure à déguster sans modérations, une musique protéiforme et classieuse qui mérite une vénération inconditionnelle.