Parmi la liste semblant sans fin des nouvelles formations progressives en provenance de Pologne, Art of Illusion publie son premier album en cette fin d'année 2014, porté là encore par le label Lynx Music, fruit enfin éclos après une histoire débutée il y a déjà une douzaine d'années.
A contrario de la majorité des formations hébergées par le leader de Millenium, Art of Illusion n'évolue pas dans le registre néo-progressif. La musique du quatuor, essentiellement instrumentale puisque seuls trois titres sont chantés, est plutôt à ranger dans le métal progressif, même si celui-ci reste très abordable pour des oreilles habituellement peu enclines à un déluge pouvant parfois être bruitiste. Ce n'est absolument pas le cas ici, puisque l'appairage au registre métallique est surtout le fait de la section rythmique, et plus particulièrement du batteur et de son utilisation régulière de la double pédale, même si les soli de guitare échevelés évoquent parfois un Joe Satriani au meilleur de sa forme.
Nous l'avons dit, la musique d'Art of Illusion est essentiellement instrumentale et va ravir les amateurs de breaks en tous genres, de thèmes multiples qui se mêlent et s'entrelacent. L'ensemble est servi par des musiciens ultra talentueux : section rythmique inspirée multipliant les changements de mesure, guitariste aux doigts agiles capables de soli ébouriffants, et un pianiste/claviériste passant sans ambages d'une ambiance rétro-70 à des sonorités modernes au son énorme. Tout est ainsi réuni pour contenter l'amateur de rock progressif au sens large du terme, d'autant que le groupe varie habilement les ambiances, passant du prog au métal et vice-versa, introduisant même une touche folk médiévale bienvenue (For Her) en conviant de la flûte aux agapes.
Les interventions chantées sont minimales, et il faut bien reconnaître qu'il s'agit plutôt d'un mal pour un bien. En effet, sans remettre en cause les capacités de Marcin Walczak, l'espace qui lui est laissé ne fait pas partie des passages les plus passionnants de l'album, avec notamment une (heureusement) courte power-ballade à la mélodie peu inspirée (Shattered Mirror). Ainsi, la dichotomie entre le début chanté de The Rite of Fire et le virage 100% instrumental opéré au milieu de la plage est particulièrement flagrant de la différence de qualité entre ces deux aspects de la musique des polonais.
Malgré ce léger bémol, Round Square of the Triangle se pose d'emblée comme une pierre marquante de la musique progressive polonaise, posant Art of Illusion quelque part entre leurs confrères de Riverside et les américains d'Ephemeral Sun. En prenant le temps de développer ses nombreuses idées, ce groupe doté d'une technique bien au-dessus de la moyenne nous délivre une galette garante de nombreuses écoutes passionnantes, dans un registre essentiellement instrumental avec lequel il n'est pas toujours évident de conserver une qualité constante. C'est pourtant le cas ici, et on en redemande !