Si les albums de Nightwish sont toujours très attendus, "Endless Forms Most Beautiful" l'est encore plus que les autres car il est le premier à accueillir Floor Jansen derrière le micro, troisième chanteuse de la formation. Autant sa devancière, Anette Olzon n'a jamais vraiment su faire oublier sa devancière à laquelle elle a eu la lourde tâche de succéder et ce, nonobstant l'incontestable réussite des deux offrandes auxquelles elle a participé, autant il n'aura pas fallu longtemps à l'ancienne After Forever pour se mettre le public des Finlandais dans la poche. Une tournée, immortalisée par le DVD "Showtime, Storytime", aura suffi pour donner l'impression que la Batave a rejoint la bande de Tuomas Holopainen depuis des lustres.
De fait, beaucoup considèrent - à raison ? - que Nightwish a enfin trouvé la pièce qui lui manquait depuis l'éviction de sa chanteuse historique, permettant à celui-ci de renouer avec des atours plus metal que le grain de voix presque pop d'Anette avait contribué à siphonner quelque peu. Avant de détailler par le menu ce huitième opus (déjà !) et pour en finir avec les questions de ressources humaines, sachez que Troy Donockley, responsable des touches celtiques et de quelques chœurs et discrètes lignes vocales depuis "Dark Passion Play", est désormais un membre à part entière et que, pour des raisons de santé, le batteur Jukka Nevalainen a dû céder sa place pour une durée indéterminée à son compatriote Kai Hahto de Swallow The Sun.
Trois ans après un "Imaginaerum" qui, malgré ses qualités, a divisé les fans, surgit donc "Endless Forms Most Beautiful", attendu comme une espèce de Graal par ceux qui ne se sont jamais consolés du départ de Tarja. Pour cette raison - mais ce n'est pas la seule -, l'œuvre est une réussite, en cela qu'elle réunit tous les ingrédients qui ont peu à peu façonné le son du groupe, renouant à la fois avec le lyrisme sombre de "Once" et la grandiloquence cinématique de ses deux prédécesseurs. Pourtant, 'Elan', le premier single certes agréable bien qu'au pénible goût de déjà-entendu, n'augurait pas d'un tel succès, arbre cachant en réalité une foisonnante forêt dont seuls de nombreux aller-retours à travers ses sentiers dévoilent la richesse touffue.
Etonnamment, malgré ses 80 minutes au garrot, l'album passe très vite, enchaînant les perles aux allures de Valhalla, gemmes à la fois moins symphoniques et plus acérées ('Weak Fantasy'), voire carrément hargneuses à l'image du pesant 'Yours Is An Empty Hope' où la voix rugueuse de Marco Hietala s'accouple à une rythmique plombée tandis que les claviers de Tuomas distillent un climat menaçant. Cela faisait même longtemps que la guitare du sous-estimé Emppu Vuorinen n'avait pas sonné avec autant d'agressivité, témoin ce 'Endless Forms Most Beautiful' gigantesque.
Les arrangements, comme toujours de toute beauté, et les échappées celtiques ('My Walden') n'étouffent jamais une flamboyante énergie qui trouve dans la voix puissante de Floor son parfait véhicule. En retrait depuis le split d'Afer Forever que son projet ReVamp n'a pas su remplacer, la belle démontre qu'elle n'a rien perdu de son charisme, ce qu'illustre notamment le mélancolique 'Our Decades In The Sun', sans doute un des sommets de l'album dont il est révélateur des couleurs crépusculaires, les thèmes de la science et de la raison lui servant de combustible.
Dommage alors que 'The Greatest Show On Earth', piste terminale de près de 24 minutes, s'éternise, parasitée par une narration qui alourdit un canevas pourtant généreux en fulgurances symphoniques. Sans cette dernière partie qui n'évite donc pas quelques longueurs et une tendance à réchauffer parfois les mêmes mélodies depuis plusieurs albums ('Edema Ruth'), le résultat, qu'irriguent de sombres mélodies, frôle le sans faute et ne saurait décevoir, capable de fédérer aussi bien les fans de la première heure que ceux que "Dark Passion Play" et "Imaginaerum" ont su séduire.
On ne pouvait de fait espérer meilleur album à ce moment de la carrière des Finlandais dont on peut penser que l'arrivée parmi eux de Floor Jansen leur a apporté une envie nouvelle mêlée à une dose de sang frais salvateur. Se dévoilant un peu plus à chaque écoute, "Endless Forms Most Beautiful" est un très grand disque qui fera date dans l'histoire de Nightwish.