Cinq nouvelles (longues) années sont passées depuis la publication du remarquable "The Gathering Light", qui voyait Karnataka reprendre des couleurs après l'envol de la quasi-totalité de ses membres, et le groupe mené par Ian Jones nous produire un néo-progressif symphonique de toute beauté.
La vie n'étant pas un long fleuve tranquille, c'est à une nouvelle hémorragie que le duo restant Jones-à-la-basse et Pinna-aux-guitares a dû faire face, accueillant en son sein la soprano Hayley Griffiths, le claviériste turc Cagri Tozluoglu et un "petit frenchie" derrière les fûts, Jimmy Pallagrosi, ce quintet nous proposant en ce début d'année 2015 son cinquième album intitulé "Secrets of Angels".
La mise en bouche personnifiée par 'Road to Cairo' se révèle d'entrée plus qu'alléchante : le son est puissant, soutenu par une batterie lourde, les claviers néo-sympho emplissent l'espace et surtout, une mélodie passionnante aux contours orientalisants, portée par la voix sublime d'Hayley Griffiths, fait mouche immédiatement. Cinq minutes de pur bonheur.
La suite va malheureusement basculer du mauvais côté de la pièce : malgré une mise en place toujours aussi flamboyante, Karnataka convoque sur les six plages suivantes un côté pompeux lorgnant avec gourmandise vers le métal sympho des Nightwish et autres Within Temptation. Si 'Because of You' ou 'Borderline' font encore illusion, les mélodies deviennent plus quelconques et les morceaux se résument à des enchainements couplets/refrains fort convenus. De plus, il est laissé très peu de place aux parties instrumentales, et aucun véritable solo de guitare ou section de claviers autres que le maelström noyant le propos dans un déluge de couches sonores s'empilant les unes par-dessus les autres ne viennent varier le propos. Certes, ce souffle d'épopée épique proposé par les claviers pourrait coller à la BO d'un "Seigneur des Anneaux" ou toute autre fresque du même genre, mais on se trouve là plus dans la forme que sur le fond.
Pourtant, le talent de Karnataka revient nous exploser en pleine face sous la forme d'un titre épique de 20 minutes venant clôturer cette galette. Reprenant le fil de "The Gathering Light" en l'agrémentant de cette nouvelle dimension épique, le groupe parvient à se sublimer en nous offrant une pièce majeure propre à coller des frissons dans l'échine de n'importe quel être doté d'une oreille réceptrice. Après trois minutes d'une superbe mélodie celtique accompagnée par les flûtes de Troy Donockley, 'Secrets of Angels' prend son envol pour une première partie montant progressivement en puissance. Hayley Griffiths chante enfin sans doubler sa propre voix, et l'on profite ainsi sans réserve de son organe sublime.
La deuxième partie du morceau est tout aussi remarquable, commençant par une partie marillionesque que l'on croirait issue des sessions de "Clutching at Straws", et s'achevant par un final majestueux mêlant Uileann Pipes et (enfin !) un véritable solo de guitare déchirant l'âme de l'auditeur (3 minutes de pur bonheur), le tout servi par une puissante armée accompagnatrice.
Au moment d'évaluer cette galette, et malgré un final de toute beauté restant longtemps en mémoire, c'est un léger sentiment de déception qui prédomine, la faute à une partie centrale générant au fil des écoutes au mieux indifférence, au pire ennui. Libre à chacun de préférer la nouvelle orientation du groupe personnifiée par cette section pop-métallo-symphonique, ou pas. Pour ma part, le choix est vite fait.