Deux ans après le succès d' ''Absolute dissent'' marqué par son hommage à son bassiste disparu ('The Raven King') ou ses explorations sonores ('European superstate' et ses rythmiques electro), Killing Joke revient en cette année 2022 avec un album sobrement intitulé ''MMXII''. Même si l'on connaît l'intérêt de son chanteur, Jaz Coleman, pour l'occultisme et les théories eschatologiques, peut-on voir dans cet album un réflexe commercial opportuniste ou une volonté -comme le réfère un de ses anciens tubes- d'aller danser dans les flammes (tant qu'il en est encore temps)?
''MMXII'' semble être l'album le plus politique et le plus anti-consensuel du groupe qui décrit tantôt les catastrophes à venir ('Glitch' 'Colony Collapse' et sa batterie rageuse, 'Pole Shift'), tantôt dénonce les desseins de ceux qui nous gouvernent ('Fema Camp', 'Corporate elect') bernant le peuple d'illusions (la très philosophique 'Rapture' dont les hurlements de Jaz Coleman renouent avec la tradition d'utiliser le titre comme seul refrain). La musique est en adéquation avec les paroles : lourde, violente, frontale. En témoignent, l'endiablée 'Pole Shift' dont les arpèges de chant growlé de Jaz Coleman vont de paire avec une section rythmique bestiale constituant une parfaite illustration sonore des paroles prophétiques de la chanson, 'Corporate elect' qui ressemble à un rock 'n' roll funèbre, ou encore les climats délétères et glaciaux de 'Primobile' avec la guitare tantôt aérienne, tantôt explosive de Geordie Walker se détachant des boucles de claviers implacables.
Mais s'il dénonce, l'album est capable de proposer des solutions, comme celle de se réveiller et de dire NON à tous ceux qui nous asservissent. 'Fema Camp' évoque d'abord une marche militaire avant de s'écouler dans une boucle vertigineuse où la voix hypnotique de Jaz Coleman, légèrement déformée, nous fait partager la révolte de ceux qui veulent lutter contre les désirs de destruction de la FEMA (l'Agence Fédérale des Situations d'Urgence). L'apaisé 'In Cythera' est un petit bijou aux relents d'une pop soyeuse soutenu par un texte nostalgique et humaniste. Ce dernier ne fait pas tache dans l'oeuvre du groupe et se place aux côtés de morceaux comme 'Love like blood'. Cette chanson au potentiel commercial évident ne sera malheureusement pas exploitée pleinement, y compris par le groupe qui omettait volontairement de la jouer lors des concerts. D'obédience millénariste, l'album suggère que le monde pourrait sortir vainqueur de son combat contre la mort en retrouvant ses origines premières, comme le souligne la dernière piste 'On all hallow's Eve', avec ses rythmiques tribales.
2012 n'a certes pas coïncidé avec la fin du monde, mais avec la sortie d'un album ténébreux d'un groupe qui semble toujours repousser les limites de sa créativité. Certes, on pourrait accuser Killing Joke d'avoir un peu perdu de sa profondeur mais l'actualité brûlante empêchait toute réflexion secondaire. Pourtant, quelques mois après la sortie de l'album et au moment de partir en tournée avec les groupes The Cult et The Mission, Jaz Coleman semblait avoir disparu de la surface de la terre... Il sera retrouvé dans le désert du Sahara, sain (?) et sauf, ayant eu besoin de solitude pour terminer un livre qui devrait paraître bientôt.