Art Against Agony (AAA) fait partie de ces groupes qui défient la volonté de classement. Par leur présentation scénique d’abord, les membres se cachant derrière des masques et des pseudonymes conceptuels - le Sorcier, le Machiniste, le Chirurgien, l’Arlequin ... Par les styles de musiques abordés ensuite, le groupe se cataloguant “Prog-Jazz-Experimental-Hirnfick-Metal” (le terme “Hirnfick” peut sommairement être traduit par “qui te nique la tête”, NdT). Enfin par la philosophie conceptuelle qui sous-tend le propos du groupe, la musique du combo allemand se voulant comme un rempart contre l’agonie qui est consubstancielle à toute naissance.
Avec un tel avant-propos, l’auditeur aborde l’écoute de “Three Short Stories” avec une appréhension prudente, d’autant qu’AAA parsème le livret de références pour initiés : Menzoberranzan est une cité mythique de Dongeons et Dragons, Nyarlathotep, un personnage de Lovecraft, et le pseudo du batteur (the Malkavian) est le nom d’une secte de vampires dans un jeu vidéo. Ouf !
Pourtant - et c’est ce qui fait la grande qualité de l’album - le propos musical, sans être simple, n’est pas si abscons qu’on pourrait le craindre (excepté le rébarbarif ‘Magilla Trench’ qui clôt l’album et dont le style moins sombre sied moins bien à AAA).
Dans l’ensemble, le ton adopté est sombre et lourd, voire très lourd (rythmiquement parlant). AAA envoie du solide (‘Etry Lvel’, ‘Innocent Dont’Run’, ‘Copec!’ ou ‘Nyarlathotep’ par exemple), mais sait distiller des passages jazzy surprenants (‘Pelagius Eleven’ ou le très cosy ‘Liberty’). Oubliez les lignes mélodiques, AAA prend un malin plaisir à introduire des dissonances et à juxtaposer les mesures sans continuité logique, tout en produisant une musique fascinante. L’album nécessite soit une écoute attentive, soit une certaine immersion psychédélique pour entrer dans son univers, mais il y a un côté hypnotique très particulier (‘Fitch’) dans ce que nous proposent des musiciens qui maîtrisent plusieurs styles (électro, jazz et métal), et qui communiquent très en osmose et avec un plaisir de jeu assez communicatif.
Album exigeant à ne pas mettre entre toutes les oreilles, “Three Short Stories” devrait fortement intriguer les amateurs de musiques complexes type Anglagard (en moins mélodique). Vaut le détour, si l’on ne craint pas l’étrangeté.