On l'avait presque oubliée, cette chanteuse (?) répondant au doux sobriquet de Cadaveria, que les plus vieux d'entre nous ont d'abord découverte chez Opera IX, vénérable ancêtre de la chapelle noire italienne, avant de suivre son aventure en solitaire, qui n'a malheureusement pas tenu les promesses d'un galop d'essai, "The Shadows' Madame", de plutôt bonne mémoire et laissant alors croire que sa génitrice avait bien fait de larguer les amarres de son ancient port d'attache qui ne lui survivra vraiment que sur le papier.
Les jambes écartées entre Black et Gothic Metal, drapée dans des habits horrifiques, cette front-woman de choc a donc vite déçu, peu aidée par le look façon nu-metal des musiciens l'accompagnant. Si "Far Away From Conformity" faisait encore illusion, notamment grâce à une reprise intéressante du 'Call Me' de Blondie, que dire de "In Blood", qui scellait pourtant une alliance (éphémère) avec Season Of Mist ? Et on ne parle même pas de "Horror Metal", son tardif successeur, déjà oublié.
Nous en étions donc là avec cette italienne qui semblait tout doucement s'enfoncer dans les limbes promises par une morne décennie. Cinquième offrande inespérée, "Silence" n'en a que plus de saveur. Indice qui ne trompe finalement pas, le groupe a troqué ses apparats de foire dignes de Coal Chamber, signe d'une maturité enfin acquise. La maturité, c'est ce qui frappe d'emblée à l'écoute de cet album.
Maturité de compositions plus élaborées. Maturité d'une palette sonore proposant nappes de claviers brumeux, notes de piano, chant clair... Maturité d'un style qui s'est affranchi des genres auxquels il a été rattaché, offrant une musique sombrement dynamique. Maturité enfin d'une voix féminine certes reconnaissable entre mille mais qui a (bien) vieilli à la manière d'un bon vin, oscillant entre agressivité
et douceur sournoise.
Les gros riffs épais comme des jambons sont toujours là ('Free Spirit') mais l'ensemble sonne tout simplement plus Rock, débarrassé de ses verrues d'un mauvais goût trop appuyé. Et si Cadaveria n'a soudainement pas muté en grand groupe, restant cet éternel artisan de série B (ce n'est pas péjoratif, bien au contraire), il tutoie avec cet opus un succès artistique dont on ne le croyait pas capable, même dans ses meilleurs moments. C'est dire.
Du coup, parler à son endroit de retour réussi semble à la fois juste mais inexact en cela que "Silence" fait plus que dominer ses prédécesseurs, même le séminal "The Shadows' Madame". Nous faisant soupçonner l'absorption de quelque substance dopante, le groupe se montre à l'aise dans tous les registres, catchy parfois ('Velo (The Other Side Of Hate)', 'Out Loud'), presque thrash ('Exercise1'), souvent lent ('Carnival Of Doom') sinon vicieusement plombé, témoin le sinistre 'The Soul That Doesn't Sleep' ou le quasi doom 'Death, Again'.
Bref, alors que nous n'en attendions rien, cet album résurrectionnel balaie en moins de cinquante minutes les inodores souvenirs laissés par "In Blood" et "Horror Metal". Cadaveria, on t'aime.