L'album précédent, "Sea Reflections", n'avait pas laissé un souvenir impérissable, sa formation dominée par les cuivres tenant plus du big band que du groupe de rock. Ce n'est donc pas sans une certaine appréhension que l'on constate qu'Isildurs Bane n'a pas renoncé à sa section de cuivres. Pire semble-t-il, celle-ci se renforce même d'un mini-orchestre au grand complet, violons, alto, violoncelle, contrebasse, clarinette, hautbois et basson faisant désormais partie de l'instrumentarium du groupe.
A l'écoute, il s'avère que les craintes provoquées par la lecture du line-up sont infondées. Le groupe suédois, en perpétuelle évolution, a corrigé le cap. Si les cuivres sont toujours là, ils sont utilisés avec plus de discernement. Seul 'Happy Hip Hop' renoue avec les airs festifs et dansants de l'album précédent, bien éloignés de toute velléité rock. 'Gheel' et 'The Factory Man' qui eux aussi accordent une large place aux cuivres ne tombent pas dans les mêmes errements. La différence étant certainement due à une prise de son astucieuse où les chorus de cuivres enregistrés en fondu ne phagocytent pas l'espace sonore, ce qui les rend supportables et permet aux autres instruments d'exister.
On a ainsi droit à un festival de thèmes légers et enlevés constituant un régal pour les oreilles tant les multiples interventions des différents instruments sont mélodieuses et claires, dosées avec précision. La basse ronronne chaleureusement pour accompagner les nombreux solos de claviers, guitares, saxophone ou trompette qui parsèment l'album. Il faut aussi souligner la finesse du jeu des deux Severinsson, Kjell et sa batterie expressive et inventive, Jan qui n'en finit pas d'enchanter l'auditoire des sonorités cristallines de son vibraphone.
Quant à l'orchestre de cordes et bois, il n'intervient que sur un seul titre, 'The Second Step', mariant la légèreté d'un soft rock à une atmosphère classicisante. Comme 'Malboro Blues' sur "Sagam om den Irländska Älgen" semblait annoncer le virage cuivré de "Sea Reflections", 'The Second Step' se fait le héraut de l'univers classique du prochain album.
En attendant, "Eight Moments Of Eternity" se révèle très agréable et varié, bien plus léger et maîtrisé que son prédécesseur, même si l'on regrette un peu que le plaisir tienne plus à la finesse du jeu des musiciens qu'aux thèmes musicaux eux-mêmes, dont la sensibilité reste encore assez superficielle.