Six ans après s'être séparé, les cinq membres de The Moody Blues retrouvent ensemble le chemin des studios, comme pourrait le suggérer la pochette. Pourtant, pendant cette jachère artistique, aucun d'entre eux n'a chômé, chacun ayant édifié ses premiers essais en solo : Ray Thomas a signe ses deux petits bijoux de sensibilité folk ''From Mighty Oaks'' (1975) et ''Hopes, Wishes And Dreams'' (1976), tandis que Justin Hayward a cosigné ''Blue Jays'' en compagnie de John Lodge. Est-ce que cette pause artistique paradoxalement bouillonnante de créativité aura des répercussions sur le travail du groupe à nouveau réuni comme le suggère le titre musical ''Octave'' à une époque peu propice au rock progressif ?
Comme à son habitude, le groupe soigne son retour sur scène en mettant en avant une piste énergique 'Steppin In A Slide Zone'. Succédant aux bruitages sonores d'une voiture s'enfonçant dans une nuit en satin blanc, un clavier atmosphérique prend ses quartiers de lune, tandis que la guitare de Justin Hayward glisse autour de celui-ci. La voix assurée de John Lodge apporte une hargne rock, culminant lors des couplets lorsque les choeurs reprennent en canon le titre de la chanson. Et même si l'énergie est décuplée sur la perle de l'album, 'I'll Be Level With You', prophétisant la new wave tout en conservant une patte assez reconnaissable (les claviers sonnent comme des mellotrons, le solo subtil de guitare de Justin Hayward), le groupe ne s'est pas tout à fait laissé charmer par les sirènes de la modernité.
La formation qui n'a jamais voulu (ou pu) être intégralement progressif (la plus longue piste 'The Day We Met Again', dominée par les synthétiseurs, s'étire plus qu'elle ne se développe sur 6 minutes) remise certes ses derniers oripeaux progressifs au placard (le mellotron, et nous le verrons plus tard, Mike Pinder), mais brode dans une voie qui lui est propre. Ainsi 'I'm your man' poursuit la veine folk-romantique sous l'égide de la flûte de Ray Thomas. A une époque agitée, cette bluette à contre-courant pourrait presque apparaître comme une provocation. 'Had To Fall In Love' pourrait être la piste qui résumerait le mieux l'image de fabrique du groupe pour un néophyte : une ballade romantique plutôt triste transcendée par la puissance de ses choeurs. Mais aux oreilles du lecteur exigeant, certains pistes apparaîtront comme triviales, témoignages appuyés d'une époque révolue, pour le meilleur avec la chaleureuse 'Survival', ou la synthétique ballade 'One Step Into The Light' et pour le pire avec 'Top Rank Suite' qui parodie le rock 'n' roll de façon peu ingénieuse.
The Moody Blues a choisi de poursuivre sa route là où il l'avait stoppée, sans se soucier de son époque. Mike Pinder, peu enclin à défendre le nouvel opus et déjà en retrait (à tel point que Justin Hayward et John Lodge ont été obligé d'investir les claviers), décide de repartir de son côté. Le groupe trouvera un remplaçant illustre pour la tournée qui suivra cet album mais le voyage au long cours n'est pas encore d'actualité.