Quelque part dans la Bay Area de San Francisco en cette année 1983, le groupe The Squares termine d’intensives sessions de répétitions et décide de prendre quelques jours de repos avant de se concentrer sur l’avenir du groupe. Le très visionnaire guitariste de cette jeune formation pop sent que l’orientation artistique ne sera pas féconde et met une touche finale, de son côté, à cinq compositions d’un genre nouveau sur lesquelles il travaille depuis des années. Faisant écouter le résultat au groupe le constat est unanime et la rupture inévitable. Plus rien ne retient Joe Satriani d’enregistrer en solo un premier EP éponyme qui sera distribué très localement en 1984 et qui donne déjà toutes les clés de sa future signature. Dix ans plus tard, le guitariste sort "The Extremist", son plus grand succès commercial et l’aboutissement d’une première étape de création.
Quoi de plus opportun pour couronner dix ans de service et quatre albums fondateurs qu’un double album de raretés, de nouveautés et de titres live ? Joe Satriani profite de l’enregistrement de deux concerts américains en 1988 et 1992 pour bâtir un condensé de matière instrumentale de haute volée. Tous les albums de Satch sont représentés, même l’EP de 1988 "Dreaming #11" et son titre 'The Crush Of Love', avec une forte présence d'instrumentales issues de "Surfing With The Alien". Les six compositions issues de ce dernier trouvent une nouvelle jeunesse sous les doigts des frères Bissonette, de Stu Hamm et Jonathan Mover, qui impulsent toute la puissance et le groove que la production de l’époque avait quelque peu éteints (exemple avec ‘Lords Of Karma’ et le dantesque ‘Echo’). La complexité des morceaux instrumentaux implique une interprétation au cordeau mais laisse assez de place aux musiciens pour imposer leur jeu et les seules variations autorisées sont à chercher dans le tempo et l’énergie.
Ce disque live occupe la deuxième galette de ce double-album dont le premier disque compile quatorze pièces hétéroclites retraçant une partie de la carrière de l’américain. Les huit premiers titres sont des compositions qui datent de la période "The Extremist" avec des temps forts comme la spatiale ‘Time Machine’, la typique ‘Speed Of Light’ ou la latine ‘Banana Mango II’. Vient un ‘Dweller On The Threshold’ mystique et dissonant issu de sessions de 1987, une période pendant laquelle il va côtoyer Jonas Hellborg et Danny Gottlieb. Les titres qui suivent intéresseront les amateurs car ce sont quatre des cinq compositions du tout premier EP de Joe, celui qui fera hiatus avec The Squares et tranchera son destin. On y entend un Joe Satriani déjà lyrique, expérimental et original. Seule incongruité l’indigeste ‘Woodstock Jam’ enregistrée avec Doug Wimbish (le bassiste qui fera que Joe accompagnera Mick Jagger sur une tournée) et Simon Phillips en 1990.
"Time Machine" est un album marquant à plusieurs titres. C’est d’abord le premier enregistrement live de Joe Satriani et, comme la suite de son parcours le montrera, la scène est ce qui plait le plus à Satch car c’est aussi l’occasion de donner un supplément d’âme à ses compositions studios. De plus, la première partie de "Time Machine" est une mine pour les puristes qui ont enfin la chance d’entendre les premières compositions du guitariste. "Time Machine" est un album charnière dans l’histoire de Joe Satriani car il va clôturer une période pour en ouvrir une nouvelle de plusieurs années riches de changements de style et de créativité audacieuse. Les hostilités débuteront deux ans plus tard avec "Joe Satriani" un chef d’œuvre marqué des racines originelles et blues de Satriani.