Après un premier EP sorti en 2012 sous le nom de "Desert Burst" le jeune groupe sarthois Shuffle créé en 2009 se lance dans son premier disque longue durée "Upon The Hill". Grâce à un financement participatif efficace, le quartet a pu donner un écrin de qualité à son projet, en allant enregistrer les dix morceaux dans les studios parisiens sous la houlette d’Arnaud Bascuñana (Deportivo, Luke, No One Is Innocent…).

D’obédience alternative la musique de Shuffle est en fait bien plus que cela. Si l’on devait prélever un morceau qui serait l’archétype de l’esprit musical de Shuffle c’est à la fin de "Upon The Hill" qu’il faudrait le chercher. ‘Crazy’ porte définitivement bien son nom en posant l’adjectif idoine à ce morceau hyper-contrasté et dans la manière qu’il a de définir la musique de ce groupe très talentueux. En moins de quatre minutes ‘Crazy’ propulse sa fusion débridée et puissante au visage de l’auditeur, pas encore groggy quand retentissent les voix colériques de Jordan mais totalement ahuri par le final éthéré au piano. Mais l’audace de cette formation ne s’arrête pas là car les neuf autres titres du disque ne se cantonnent pas à revisiter les mêmes ingrédients.

De la pop finement arrangée de ‘Better For Both’ et ‘Nobody Cares’ à l’alliance du métal moderne et des textures electro de ‘Tomorrow’s Relics’ (faisant penser au regretté groupe Fifty One’s) en passant par l’alternatif ‘Mr Broom’ baigné d’ambiances vintage et la groovissime fusion de ‘Withdrawal’, dont le riff aurait fait baver Nuno Bettencourt, "Upon The Hill" agit un peu comme une nouvelle claque à chaque nouvel piste. Avec ‘Schizophrenic Maze’, son morceau le plus évolutif, Shuffle fait cohabiter une musique pleine de relief dans une intelligente construction tout en fluidité, avec comme agréments une montée orientalisante à la Pain Of Salvation et un final que n’aurait pas renié Steven Wilson.  

Les seules constantes de l’album résident dans le total plaisir d’écoute de la première à la dernière seconde, bien aidé par l’excellent travail de production et de mixage qui a appuyé la clarté et l’harmonie des instruments et des superbes chœurs. L’incessante volonté des musiciens de faire sonner la mélodie s’accompagne d’un souci de la finition qui s’arrête à la justesse sans basculer dans l’arrogance ni l’excessive complexité. S’appuyant sur de très nombreuses sonorités modernes ou classiques dans l'utilisation des guitares et des claviers (‘Is It Real’) Shuffle donne une grande amplitude à sa musique même quand le calibrage est axé sur le dynamisme et l’efficacité (la très neométal ‘No Time’).

Comme souvent pour un premier album les musiciens de Shuffle ont décidé de nous montrer de quoi ils étaient capables. Les styles sont nombreux et les influences parfois marquées mais le quartet, par son talent déjà évident, arrive à harmoniser le tout pour signer ce "Upon The Hill" très cohérent. Le groupe maîtrise la concision et semble déjà armé pour aborder des compositions plus exigeantes s’il exploite plus radicalement sa fibre progressive et instrumentale (comme dans la courte ‘Northern Lights'). Par sa démarche et ses qualités, Shuffle rappelle le groupe français Kooma, auteur d’un unique mais brillant "Freshtoosht". Souhaitons une longévité bien plus grande pour ces jeunes manceaux dont on espère reparler très rapidement.