Trois ans après la sortie de ''Sur la mer'' qui poursuivait les expériences synthpop du groupe, et que certains pointaient comme une conséquence d'un pacte faustien signé par le groupe dans lequel le producteur Tony Visconti jouerait le rôle de Méphistophélès, The Moody Blues reviennent sur le devant de la scène avec ''Keys Of The Kingdom'', un royaume qui s'avèrera tout autant synthpop que commercial. Si le groupe enregistre la défection de Patrick Moraz, séduit par une carrière solo, mais participant pourtant à trois pistes ('Say What You Mean', 'Celtic Sonnant', 'Magic'), il voit cependant le retour de Ray Thomas, qui avait quitté le groupe, marginalisé en raison des choix artistiques de ''The Other Side Of Life''. Le retour de l'enfant flûtiste sera t'il gagnant pour un groupe, qui a perdu en séduction rythmique?
Hélas, la perte rythmique se traduit ici par le partage de la batterie entre Graeme Edge et Andy Duncan sur la moitié des titres, les autres faisant appel à une boîte à rythmes. Paradoxalement, le groupe n'offre pas une ouverture sophistiquée pour saluer la nouvelle décennie. 'Say It With Love' nous installe tout de suite au sein du ventre mou de l'album avec une ballade sans grande inventivité dans laquelle Justin Hayward, certes fidèle à lui-même, semble plutôt recracher son manuel du parfait Moody Blues. La piste n'obtiendra guère de succès dans les Charts (22ème). Contrairement à tous les albums précédents qui visaient à placer un premier titre dynamique, le groupe ne se rattrapera guère sur le second single, 'Bless The Wings' (That Bring You Back), au rythme lénifiant, aux chœurs fades (inacceptables pour un groupe qui a toujours soigné ses chœurs) mais légèrement sauvé par les qualités vocales de son interprète, qui ne sera même pas classé. Le très funky 'Once Is Enough' servira à défaut de piste dynamique, sans pour autant parvenir à inviter l'auditeur à taper dans ses mains.
Le reste de l'album hésite entre ballades anémiques ('Hope And Pray', 'In This Heaven' qui ressemble à une version apathique de 'Don't Worry Baby' de The Beach Boys, 'Lean On Me (Tonight)') et coups d'épée dans l'eau (la très répétitive 'Say What You Mean' qui semble flirter avec la pop italienne des années 80 avec une décennie de retard, 'Magic' malgré un riff de guitare assez séduisant). C'est une nouvelle fois une composition de Ray Thomas qui se place parmi les rares réussites de l'album. 'Celtic Sonant' qui évoque -certains diront à renfort de clichés (flûte, claviers imitant le son d'une harpe, chœurs masculins) - la destinée humaine à travers la mer d'Irlande.
''Keys Of The Kingdom'' sera victime de son insuccès commercial et le groupe perdra rapidement en popularité, tout en pouvant compter sur la fidélité de ses happy fews. Malgré un retour vers un son originel, le groupe tombe dans le piège du kitsch à tendance mièvre, ce qu'il avait plus ou moins évité sur toute la durée d'un album où des chansons remarquables côtoyaient des chansons plus dispensables. Malgré un album live paru en 1993, le groupe attendra huit ans avant de produire un nouvel album.