Huit ans après un médiocre ''Keys of the Kingdom'', The Moody Blues décide de se réveiller d'un réveil prolongé, pendant lequel Justin Hayward a enregistré deux albums en 1996 (''Justin Hayward and Friends Sing the Moody Blues Classic Hits'' reprises orchestrales en compagnie de nombreux invités, et ''The view from the hill'' à ne pas confondre avec une chanson de Fish). Le groupe n'a pas auditionné de nouveau claviériste et c'est donc le musicien de session génois Danilo Madonia qui s'est chargé des claviers.
Le groupe qui s'était d'abord aventuré sur le terrain séduisant de la synthpop lors de la décennie passée opte à nouveau pour un retour aux sources. Ce dernier n'est pas forcément évident lors de l'écoute de la piste qui ouvre le bal atmosphérique avec ses rythmiques plus proches de la techno d''English sunset' tandis que Justin Hayward accomplit une nouvelle démonstration de ses talents vocaux et guitaristiques.
A l'exception de cette piste inaugurale, le groupe poursuit sa route dans sa veine romantique en nous proposant treize autres chansons plus proches des origines, pour le meilleur et pour le pire. Pour le meilleur, les fins gourmets y laisseront leur fourchette. 'Haunted' est une ballade délicate marquée par la qualité de sa partition de piano et de ses choeurs, 'Sooner or later (Walking on air)' avait le potentiel pour faire un tube tout comme le morceau éponyme qui est un compromis réussi entre modernité (ses effets sonores sur les couplet) et tradition (la voix de son interprète et les arrangements) et qui culminent sur les refrains. Si l'émotion transparaît sur *The swallow' grâce à Justin Hayward, c'est toujours Ray Thomas, gardien de l''âme du groupe qui signera la chanson la plus remarquable, l'intemporelle 'My little lovely'.
Le pire s'apparente à un passage définitif de frontière : après avoir navigué en eaux troubles, le groupe sombre définitivement dans les clichés romantiques ruinant à peu près toutes tentatives orchestrales. 'Wherever' ballade exotique rappelerait les réussites des premiers albums (avec une évidente recherche de nouveauté dans les paroles ''It's time to that we moved on/Into a new tomorrow''), mais n'évite pas l'écueil des clichés romantiques (voix suave de son auteur, cordes). 'Love don't come easy', dont le titre et le refrain rappellent la chanson 'Words' de F.R. Davis semble s'apparenter à un exercice de crooner, qui ruine la sophistication de ses cordes et son solo de guitare. L'introduction et le développement harmonique de 'Words you say' sont totalement gâchés par l'apathie de John Lodge qui n'a pas la bonne tessiture vocale pour réussir les exercices de crooner dévolus à Justin Hayward (lequel rate pourtant le morceau le plus rock 'The One' en le chantant comme pour une ballade).
La dernière piste pourrait partager les fans, avec la voix de Graeme Edge qui récite un texte philosophique, dans la lignée des premiers albums, tandis que la partition de cordes nous invite à réviser ''Days of future passed'' : intolérable redite qui trahit une régression ou mise en avant d'une patte The Moody Blues?
Il n'est guère plaisant de voir un groupe s'embourber dans le sillage d'un Brian Ferry, malgré la sincérité de l'approche et l'effort soigné apporté aux compositions. Cet album sonne comme le come-back raté d'un groupe qui à l'instar de Marty McFly serait resté prisonnier dans les années 70. Ray Thomas ne manquera pas de quitter ce groupe, devenu un anachronisme vivant.