Les années 90 ont été néfastes à The Moody Blues. En enchaînant de façon espacée deux albums indignes de sa réputation, le groupe s'est ringardisé. En outre, le nouveau départ de Ray Thomas semblait sceller son avenir créatif. Et pourtant, deux ans après la sortie du précédent ''Strange Times'', les trois membres rescapés, toujours entouré de l'invité Danilo Madonia aux claviers, mais auxquels se joint Norda Mullen à la flûte (que l'on peut entendre sur 'In The Quiet Of Christmas Morning' une reprise d'un air de Johann-Sebastian Bach), partent en Italie au studio Recco, près de Genova pour enregister un album de Noël, qui sortira en Octobre 2003! Le paradoxe, à travers ce gag involontaire, est édifiant : il nous montre que le groupe, ayant épuisé ces concepts philosophiques sur l'humain et sa destinée, essaierait de surfer sur la mode des Chants de Noël, exercices remportés par le sérieux de certains (Neal Morse, Steve Lukhater, Jethro Tull) mais qui est aussi une façon d'afficher une vulgarité opportunistiquement commerciale (Justin Bieber, Boyz II Men). Si on ne peut placer l'opus de The Moody Blues dans cette seconde catégorie, force est de constater que la génèse de ce projet n'augure rien de bon.
Sans ménager le suspense, nous pouvons déjà dire que cet album ne restera pas dans les annales de The Moody Blues. ''December'' se compose de reprises et de projets personnels. Parmi les reprises, nous avons droit à la très niaise et angélique ''War Is Over (So This Is Xmas)'' de John Lennon, qui respecte l'esprit de l'original, dégoulinante de bons sentiments, ''When A Child Is Born'', inévitable chanson de Noël, à peine magnifiée par la voix de Justin Hayward, apparaissant à contrario assez fade, ou encore 'White Christmas', qui compense l'absence d'énergie de ses interprètes par un honnête solo de guitare. Le groupe aurait peut-être dû privilégier les créations personnelles. 'Don't Need A Reindeer' l'une des pistes les plus réussies porte la marque du groupe, avec la voix chaleureuse de son interprète, ses choeurs, et sa guitare. Les autres reprises sans être transcendantes semblent souffrir du syndrome des précédents albums : lents, manquant de relief, mièvres et se basant (trop) sur la voix de son chanteur principal ('December Snow' où le groupe semble être en pilotage automatique).
''December'' est définitivement l'album de trop dans la discographie pléthorique de The Moody Blues. Au lieu de permettre au groupe de connaître un nouveau succès, l'effet inverse a été obtenu, le groupe ayant été éliminé du devant de la scène. On pourrait tout au plus arguer que la formation originelle n'ayant pas été intégralement présente, il serait plus sage de considérer ce disque comme un projet solo de Justin Hayward accompagné de John Lodge et de Graeme Edge. Si cette idée est séduisante, en revanche, elle ne doit pas servir d'excuse au groupe, qui était déjà sur la pente descendante. Un album à écouter distraitement une seule fois dans l'année.