Cela fait longtemps que Cradle Of Filth ne fait plus peur à personne, hormis peut-être - et encore ! - à quelques vieilles bigotes. Mais cela fait surtout longtemps que les Anglais ne nous surprennent plus guère, entre performances scéniques calamiteuses (ce qui n'est pas nouveau) et albums dispensables au goût de réchauffé, enfantés par une troupe qui semblait avoir tout dit.
De fait, alors que la bande de Dani Filth nous avait habitués à des offrandes de haute volée durant une première décennie remarquable, qu'y a-t-il à retenir des quatre méfaits, sans compter "Midnight In The Labyrinth", relecture orchestrale de titres issus de son vieux répertoire, qui se sont succédé depuis "Nymphetamine", peut-être la dernière œuvre véritablement majeure des Britanniques ? Pas grand-chose ou si peu, même si, par exemple, ni "Thornography" ni "Godspeed On The Devil's Thunder" ne sont des disques honteux. Mais la magie et l'envie sans doute aussi paraissaient s'être envolées, dissoutes dans un bain d'immondices.
Si en 2014 le départ (définitif cette fois-ci ?) du guitariste Paul Allender n'augurait rien de bon, on mesure pourtant à l'écoute de "Hammer Of The Witches" que le grand ménage de printemps survenu peu après, voyant l'arrivée de trois nouveaux musiciens, dont (enfin) deux six-cordistes, a été bénéfique à Cradle Of Filth, rajeuni par cet apport de sang frais. Celui-ci avait annoncé un retour aux sources : il n'a pas menti ! Résultat, ce douzième opus nous renvoie presque à l'époque bénie des vertes années du groupe.
'Dusk And Her Embrace', pour les ambiances gothiques comme échappées d'un film de la Hammer, 'Cruelty And The Beast' pour les lignes heavy à la Maiden voire 'Midian' pour les attaques quasi Thrash, ne sont donc pas loin et ce, pour notre plus grand plaisir. Habillé d'un somptueux et très érotique visuel, le plus beau offert depuis longtemps, "Hammer Of The Witches" replonge avec une inspiration dont on ne les croyait plus vraiment capables, dans ce que ses auteurs savent faire de mieux. Renouant avec la sorcellerie comme combustible, ces derniers alignent les perles noires dont on regrettera juste qu'elles soient encadrées par de courtes pistes instrumentales qui n'apportent (plus) rien.
Alors certes, un air de déjà-entendu plane tout du long, comme sur 'Right Wing Of The Garden Triptych', pulsation au demeurant réussie bien que parfois peu digeste. Certes Dani Filth vocifère comme à l'accoutumée, mais ces quelques réserves se trouvent vite balayées tel un fétu de paille par la sève retrouvée qui coule dans les veines de ces compositions dont les premières se révèlent aussi être les plus convaincantes: de 'Yours Immortality', amorce féroce bien que très mélodique, à 'Blackest Magick In Pratice' que fendent de nombreux breaks, de 'Deflowering The Maidenhead, Displeasuring The Goddess', titre typique des Anglais à 'Enshrined In Crematoria', aux sombres aplats orchestraux.
En dépit d'une fin de parcours plus hésitante entre le trop long 'Onward Christian Soldiers' et un 'The Vampyre At My Side' agressif toutefois zébré d'envoûtants coups de griffes, "Hammer Of The Witches" s'avère être une bonne surprise de la part d'un Cradle Of Filth dont nous étions nombreux à ne plus rien espérer. Ce n'est pas un chef-d'œuvre, mais il possède suffisamment de qualités pour freiner, peut-être un temps seulement, le déclin du groupe, lequel à l'image de la comtesse Bathory se baignant dans le sang de jeunes vierges, a puisé dans l'énergie d'un line-up rénové, un regain de créativité.