Il est des groupes qui ont mis du temps pour acquérir leur identité, qui connurent des balbutiements infantiles, puis trouvèrent leur personnalité... Dès ses premiers cris primaux, Supuration a créé des compositions desquelles transpirait une personnalité singulière. Ainsi, même si, dès sa naissance, l'empreinte des illustres écarteleurs, des anciens déicides ou des premiers écorcheurs sonores est discernable, le groupe y adjoint avec art ses éléments novateurs.
Le combo nous immerge à l'époque (1990-1992) où il matérialisait ses cauchemars sonores... Encore une fois, Holy Records a fait un travail époustouflant, car cette édition estampillée 2004 propose un packaging magnifique, des illustrations qui parachèvent les compositions et une pochette meilleure que l'originale : plus sombre, plus noire, plus inquiétante, plus macabre... plus death quoi !
Dans ce maelström de death façon Morrisound, la guitare expulse des sonorités crasseuses, en solitaire, elle délivre des mélodies torturées et enharmoniques chères à Morbid Angel. Les vocaux font la part belle aux tessitures agressives, les deux voix complémentaires s'épousant, on assiste également à la naissance de la facette S.U.P : alternance de voix désincarnées et d'éructations grumeleuses.
Le dantesque 'The Creeping Unknown' dont l'ossature est un death basique, est ponctué d'influences techniques dignes de Suffocation. Il initie un voyage démoniaque au fil de battements telluriques qui nous envoient immédiatement dans les cordes. On déguste ensuite '1308.JP.08.' dans une mouture embryonnaire post-The Cube... Cette première version est presque meilleure que sa future incarnation, car les changements de rythmes y sont nombreux et les expérimentations aussi : on entend pêle-mêle un violon désincarné et une guitare rauque. 'Ephemeral Paradise' se pare de voix malsaines proches du black pour découvrir une nouvelle facette des musiciens. Les vocaux sont donc vomis comme chez Obituary... quant à la guitare, paradoxalement, elle délivre une intervention solitaire très rock. 'Reveries of a Bloated Cadaver', frère jumeau de 'In Rememberance of a Coma', renoue par un blast beat inhumain avec un death barré, très old school.
Suivent des variations issues de démos qui ajoutent quelques éléments musicaux différents... Je n'ai jamais été fan de cet exercice de versions alternatives, car elles donnent souvent l'impression de redites, elles sont aussi moins abouties, avec un son plus sale... Toutefois ici, ces bourgeons de compositions permettent de goûter l'évolution des musiciens et des structures... bref, de ressentir les bouleversements tout au long de ces années.
9092 est un condensé de rage, hanté par l'empreinte de Carcass et Pestilence, qui témoigne de la naissance d'un OVNI musical. Cette rondelle bouscule les étiquettes et fait entrevoir, comme Genesis et 'Where the Sour Turn to Sweet', la future éclosion d'un mastodonte historique... preuve s'il en fallait, qu'avant d'être, toute légende doit devenir. Ainsi en contemplant cet enfantement on distingue déjà les prémices du génie qui forgera tant d'oeuvres intemporelles...