Originaire du Pays de Galles, Godsticks est un trio actif depuis 2009, année de la sortie de son premier EP éponyme. Les choses se sont accélérées en 2010 avec une refonte du groupe autour de son chanteur guitariste Darran Charles et l’édition de son "Spiral Vendetta", résultat de 16 mois de travail, puis de "The Envisage Conundrum" en 2013. La qualité de ces albums lui a ouvert les portes de premières parties prestigieuses : The Pineapple Thief, Mike Keneally Band, Knifeworld ou The Aristocrats. C'est à la suite de la tournée 2014 avec ces derniers que la composition de "Emergence" a été commencée.

Pour ce troisième disque, les Gallois ont voulu sonner différent tout en restant eux-mêmes, ce qui constitue déjà une difficulté en soi car le trio est inclassable. Avant "Emergence", la musique de Godsticks était un peu à l'image des groupes pour lesquels il a ouvert les spectacles, à la fois éclectique et progressive, ayant une forte composante jazz-fusion à la Zappa et une facilité pour la dissonance. "Emergence" dont les mélodies ont été travaillées pour faire mouche instantanément privilegie une approche plus puissante et alternative, conservant néanmoins l'exigence technique et un certain goût pour la complexité harmonique qui font l'identité de Godsticks. Soutenue par une section rythmique imparable (qui est celle de Magenta en concert), c'est la guitare qui une fois de plus fait la plus grosse impression avec des riffs aux accordages bas issus de la fusion du grunge et du métal, des séquences instrumentales dantesques et groovantes (le très 'Flexable' morceau 'Lack Of Scrunity') et des soli grandement inspirés qui rappellent le lyrisme d'un Steve Vai ('Below The Belt' ou 'Ruin').

La bascule entre "The Envisage Conundrum" et "Emergence" s'opère par l'intermédiaire des radicaux 'Below The Belt' et 'Ruin', sans palier de décompression et le rock progressif débridé de l'un laisse brutalement place à l'incandescente modalité métal de l'autre. La voix si caractéristique de Darran Charles accompagne cette mue d'un timbre plus grave qui renforce le tranchant des compositions. Hormis la mid-tempo acoustique 'All That Remains' "Emergence" est une collection de morceaux intenses et contrastés dans l'énergie, partant du métal fusion ('Lack Of Scrunity') et allant jusqu'à la limite du sludge ('Emergence'), et généreux par la grande diversité des rythmes, l'immédiateté des mélodies et l'ampleur des chœurs. La qualité des finitions est d'emblée perceptible et l'accoutumance, par la découverte à chaque écoute renouvelée de la finesse des subtilités (les touches de piano de 'Much Sinister' et la fin de 'One Percent'), inévitable. La rigueur des métriques et la complexité des phrasés de guitare s'enrichissent de nombreux ponts ('Hopeless Situation') et arrangements (les cuivres de ''Lack Of Scrunity') qui densifient une musique déjà chargée mais parfaitement fluidifiée par la production d'une grande limpidité. 

Godsticks opère un virage important par rapport à son inspiration passée qui pouvait parfois souffrir d'un excès de dispersion et de déficit de cohérence. Avec "Emergence", les Gallois ont composé dix morceaux en parfaite symbiose les uns avec les autres tout en réussissant le pari de proposer à chaque fois un modèle d'originalité et d'intelligence de construction impressionnantes. Godsticks impose une signature artistique inimitable, car toutes les comparaisons seraient réductrices de l'incroyable unicité du groupe dans ce troisième album passionnant, addictif et absolument incontournable.