Le groupe anglais Fearless Vampire Killers tire son nom étrange et son look idoine de la version anglaise du film ''Le Bal des Vampires'' de Roman Polanski. Les princes de la nuit ont déjà réalisé un album en 2012, ''Militia Of The Lost'', mais c'est avec ''Unbreakable Hearts'' que nos chasseurs vont se mettre en route pour des contrées crépusculaires.
Tout comme leurs proies, les exterminateurs de vampires semblent friands de sang, symbole de la vie qui palpite. C'est ainsi que le groupe s'est rempli les veines à grands coups de sonorités métal. Si l'album débute pourtant par une valse funèbre, dont les notes de piano rappelleront Fréderic Chopin ou le morceau 'Days go by' de The Flower Kings (qui intervenait après un monologue de vampire), le groupe dirigera sa future victime auditrice au plus profond de son caveau avec 'Say What You Want From Me', où à l'énergie métal s'allie la voix fougueuse de Sean Ainsworth, particulièrement convaincante sur les refrains.
Le groupe va alterner comme dans une séance de torture psychologique en montagnes russes des atmosphères soyeuses et des déchainements spamodiques. De la locomotive 'Batten Down The Hatches' à 'Turn Your Heaven To A Tomb', en passant par le très maidenien 'Neon In The Dance Hall ' (qui fait rimer suicide et crucified) ou encore 'Edge of Eternity', le groupe joue vite et fort avec une énergie davantage tournée vers le punk que vers le métal. A savoir pas de growl, peu de gros riffs lourds, mais des atmosphères plus portées par la vitesse d'exécution et les greffes de style. Certaines sont ratées comme le hip-hop sur 'Remember My Name', la chanson étant gâchée par ses cris émétiques, mais d'autres s'avèrent plus jouissives comme 'Lucifer's Shroud', qui semble s'amuser à emprunter des voies plus gothiques.
Mais c'est bien avec la pop que le groupe opère les rapprochements les plus importants. La voix tantôt douce, tantôt déchaînée de Sean Ainsworth révèle le cœur mélancolique des chasseurs de démons, d'ordinaire plus retors à partager leur émotion. 'Taste The Iron On Your Lips' pourrait tantôt servir de BO d'une comédie musicale d'horreur, tantôt s'extraire de son concept et devenir un tube à la radio le jour où la musique y aura droit de cité. Pourtant sur l'ultime ballade, la très convaincante 'City Falls To Dust', le second degré est tangible, donnant une touche gentiment satirique ou involontairement kitsch (notamment en raison des chœurs et des claquements de doigts).
L'opéra-rock ''Unbreakable Hearts'' n'est pas un album facile à appréhender, notamment en raison de sa durée (dix-sept pistes pour 66 minutes !), ce qui risque, malgré sa qualité impeccable de production, de faire décrocher les téméraires qui auront osé poser leurs oreilles sur le marbre. Même s'il ne révolutionnera pas l'histoire de la musique, voire du métal, le groupe fait montre d'un potentiel flagrant qui pourrait lui permettre de s'offrir une place au soleil des Charts dans un avenir proche. Mais nul doute que cette découverte d'une comédie musicale métalo-punk ravagée soit leur destination finale.