En digne descendant de la Berlin School, Lambert Ringlage perpétue depuis plus d'une vingtaine d'années l'héritage des grands anciens, que ce soit par ses œuvres en solitaire ou en groupe sous le nom d'Hypnosphere, mais aussi au travers de son label Spheric Music. Double actualité pour lui en cette année 2014, avec la publication du troisième album d'Hypnosphere (voir notre chronique par ailleurs), et pour ce qui nous concerne son quatrième album solo, "DrachenReise" ("Les voyages du Dragon").

Après une telle introduction, peu de lecteurs seront surpris d'apprendre que la musique proposée par notre allemand s'inspire plus particulièrement de Tangerine Dream. Mais, là où le projet Hypnosphere lorgne vers la période des années 70, cette œuvre solitaire évoquera plus particulièrement la période qui s'étend de 1981 ("Exit") à 1990 ("Melrose"). Dès les premiers accords du splendide 'Corona', accompagnés par la guitare magnifique de Gandalf, la filiation avec le rêve mandarine s'avère plus qu'évidente, que ce soit dans les sonorités des différents claviers ou dans la structure même des compositions, celles-ci mêlant à la fois les gimmicks répétitifs hérités des années 70 et un côté mélodique proéminent.

Il serait alors facile d'imaginer sur quel album plaquer une grande partie des titres de cette œuvre : 'Corona' sur "UnderWater Sunlight", le tubesque 'Motion' et son refrain entêtant sur "Exit", 'Estranho' pour compléter "White Eagle", 'Sunrise' sur "Melrose" etc … Néanmoins, réduire la musique de Lambert à une simple référence à Tangerine Dream serait par trop réducteur, car "DrachenReise" nous propose également des morceaux à la personnalité propre, aux contours souvent apaisés, se rapprochant alors de l'univers de Robert Schroeder, avec néanmoins plus de variété de style. Preuves en sont le très symphonique 'Past' aux accords majestueux, ou encore 'Lonely' et son accordéon sur fond de perles synthétiques, mais aussi 'Source' qui flirte avec Vangelis, tandis que 'Drachenreise' vient synthétiser tous ces univers dans un final réjouissant qui n'appelle qu'à remettre l'album à son début pour une nouvelle écoute.

Tenant d'une musique qui ne dispose d'aucune chance de développer un quelconque succès commercial, si ce n'est d'estime, Lambert poursuit cependant le sillon tracé par ses compatriotes il y a de cela plusieurs décennies, avec un talent artistique indéniable. Peu d'artistes se risquent aujourd'hui à entretenir cette flamme (citons Bertrand Loreau côté français), mais quand la musique est bonne (qui a dit bonne, bonne, bonne ?) et d'un tel intérêt, il est de notre devoir de les soutenir dans leur démarche.