Mais qu'est-ce qui fait courir Christian Vander ? 45 ans après la publication du premier opus de Magma instaurant la dynastie Kobaïenne, le génial batteur, fan de Coltrane, continue sa frénésie musicale. Ce faisant, il multiplie les concerts (ça ce n'est pas une nouveauté), publie des rééditions et surtout, surtout, il enchaine les nouvelles œuvres en studio. Comme à son accoutumée, le terme de nouveauté est à prendre avec des pincettes car "Slag Tanz", dont il est ici question, a, comme ses prédécesseurs, été longuement maturé au fil des concerts durant plusieurs années, avant de prendre une forme officielle en studio (ce qui ne garantit d'ailleurs pas qu'il s'agisse d'une version figée !).

Découpée en 8 plages enchaînées, cette pièce d'une vingtaine de minute est basée sur un thème rythmique porté la plupart du temps par la basse, plus particulièrement mise en avant sur certains passages et notamment l'entame de 'Zü Zäin', au cours d'un duo basse/batterie intrigant. Tout en conservant sa structure originale, ce gimmick récurrent se retrouve décliné suivant différentes variations, tant par les instrumentistes que par les voix féminines du duo Stella Vander/Isabelle Feuillebois qui, une nouvelle fois, se révèle comme étant le contrepoint parfait des incantations martiales de Hervé Aknin.

Dès les premiers instants, ce dernier happe l'auditeur et le met sous une tension permanente, qui ne se relâchera qu'au moment d'une coda ('Wohldünt') détachée du reste de l'œuvre. L'ambiance est sombre, oppressante, rythmée par les coups de cymbales du maître d'œuvre derrière ses fûts. Ce dernier multiplie d'ailleurs à qui mieux mieux les contretemps et autres accentuations des temps faibles propres à faire vaciller tout repère temporel (et accessoirement faire frémir les coincés du conservatoire !). Il est alors difficile pour les oreilles de s'y retrouver, d'autant que l'aspect mélodique n'est clairement pas ici la priorité.

Le milieu de l'album offre pourtant quelques instants de détente, permettant notamment au piano de prendre un peu plus de place au sein du spectre sonore, avant que la rythmique infernale ne se remette en marche pour une conclusion hallucinée et une fin brutale ('Slag Tanz'). Pour la petite histoire, il convient également de souligner la présence de textes en français aux côtés du traditionnel kobaïen … il n'est pas certain que ces quelques mots contribuent grandement à la compréhension de l'histoire, mais la tendance semble s'accentuer avec les dernières productions du groupe.

C'est donc à nouveau une œuvre unique que nous présente Magma sur ce court CD, délivrée par un line-up quasi-inchangé depuis maintenant plusieurs années (seul Bruno Ruder a quitté l'aventure, remplacé aux claviers par Jérémie Ternoy), et dont la maîtrise technique se révèle impressionnante. Moins facile d'accès (si tant est que l'on puisse utiliser cet adjectif pour un groupe comme celui-ci) que "Félicité Thösz", son assimilation se fera par écoutes successives afin d'en intégrer les nombreuses subtilités qui révèleront alors une nouvelle œuvre majeure dans la discographie de ce groupe à nul autre pareil.