Le projet Theo a été initié par le claviériste Jim Alfredson, déjà connu pour de nombreuses participations dans des groupes de tendance jazz-soul-blues, en tant qu’organiste Hammond. Dans “The Game of Ouroboros”, sa volonté est de renouer avec les racines de la musique progressive, en donnant la première place aux claviers, selon lui trop souvent relégués aujourd’hui dans des rôles secondaires d’accompagnement. Le style se revendique donc directement de Genesis, ELP ou Yes, et s’exprime dans un concept-album qui essaye de décrire les réactions de l’homme face au pouvoir (un de ces concepts pour le moins délicats à traduire en musique, un tic commun à beaucoup d’albums prog’ ...).
Si tout n’est pas parfait dans cet album, Theo réussit toutefois de belle manière à développer des thèmes musicaux attachants. En diversifiant astucieusement le son des claviers (large part est faite aux sons analogiques), Jim Alfredson parvient à nous ramener à une époque où les guitares et notamment leur usage rythmique n’étaient pas prépondérantes dans la construction des morceaux.
L’album s’ouvre sur un triptyque de près de 25 minutes, sur fond de fiction orwelienne (“un citoyen passif est un citoyen heureux”) où les deux premiers titres font merveille, les instrumentaux offrant d’excellentes envolées. Au petit jeu des influences, l’auditeur s’amuse au long de l’album à repérer les noms qui ont inspiré les claviers : Emerson pour le Hammond (‘Idle Worship’), Wakeman pour l’orgue “religieux” ou les envolées de Moog (‘Game of Ouroboros’), John Lord (‘The Blood ...’), Jean-Michel Jarre et ses sons électro (l’ouverture du même ‘The Blood That Floats My Throne’), Tony Banks pour le piano de ‘These Are the Simple Days’ et les belles envolées de synthé de ‘Exile’. Clairement, si le chant, assez anonyme, n’est pas le point fort de Théo, la variété des claviers est un plus qui ravira les nostalgiques.
Il est à noter que si les claviers tiennent la place centrale, ils ne phagocytent pas l’espace sonore à la façon d’ELP ; les guitares glissent quelques soli et participent à dynamiser la rythmique avec élégance (excellent ‘Blood that Floats my Throne’).
On regrettera que le milieu de l’album présente un creux dommageable à la qualité de l’ensemble. Ainsi ‘Idle Worship’, le morceau le plus long de l’album avec ses 13 minutes et quelques, est affublé d’un instrumental central peu travaillé, sans intérêt et totalement déconnecté du reste. ‘Creature Of Our Comfort’ et ‘These Are The Simple Days’, plus pop, ne laissent pas un souvenir marquant.
A cette réserve près, le pari est donc réussi pour Jim Afredson, qui arrive à s’éloigner fortement de ses racines jazz pour nous proposer un album de pur progressif teinté d’illustres influences bien assimilées.