Si "How Will I Laugh Tomorrow", leur précédent album, est souvent considéré comme le tournant Thrash de Suicidal Tendencies, "Camera… Light… Revolution" est quant à lui souvent assimilé à un virage funk. Cela est essentiellement dû à l’arrivée, à la basse, de Robert Trujillo (futur Ozzy et Metallica), et à la présence de 2 morceaux, 'Lovely' et 'Send Me Your Money', qui intègrent des rythmiques plus groovy, que l'on pourrait, avec beaucoup d'imagination, assimiler à du funk.
Pour autant, ce 5ème album des Californiens est bien, et sans aucun doute possible, un disque de Thrash Metal. Il n’y a qu’à écouter 'You Can’t Bring Me Down', l’excellent titre d’ouverture, pour s’en convaincre : c’est rapide, puissant, agressif, et truffé de riffs efficaces.
Non content de pratiquer un Heavy Metal robuste et hargneux, avec ce "Camera… Light… Revolution", Suicidal Tendencies accroît sa propension à se montrer très habile, aussi bien en termes d’interprétation, que pour ce qui est de garnir ses morceaux de changements d’ambiances et de rythmes. A cet égard, plus que la dénomination de Thrash-Fusion, c’est plutôt celle de Thrash technique qui convient le mieux au quintet, tant certains de ses membres se révèlent posséder une maîtrise instrumentale impressionnante.
Si l’on savait déjà à quel point Rocky George était un guitariste soliste talentueux, le groupe peut désormais s’appuyer également sur un excellent bassiste en la personne de Robert Trujillo. Celui-ci apporte une puissance et un feeling immense, notamment grâce à son jeu aux doigts et à sa technique de slapping. Cela dote Suicidal Tendencies d’une capacité à enrichir son propos,et à diversifier son Thrash pour le rendre plus complexe et plus intéressant.
Le résultat est imparable : les morceaux s’enchaînent avec une efficacité redoutable, conservant une fraîcheur et une identité propre. On peut ainsi déguster le très rapide et quasi épileptique 'Disco's Out, Murder's In', comme le plus dansant et chaloupé 'Lovely', en passant par plusieurs titres qui, à l’image de 'Alone', font office de montagnes russes émotionnelles et sensitives. Ce, sans que l’ombre de la lassitude ne pointe le bout de son nez et sans que l’ensemble ne donne le sentiment de n’être qu’un assemblage hétéroclite.
Cette réussite quasi-totale n’est atténuée que par une production qui, bien que fort honorable à l’époque, peine à bien vieillir, et qui a tendance à fondre les guitares rythmiques et la basse. Il n’en reste pas moins que ce "Camera… Light… Revolution" est un recueil de classiques et doit être considéré comme une des pierres angulaires du Thrash Metal. Un album jouissif qui constitue certainement le point d’orgue de la carrière du groupe.