1974 et 1975 voient Deep Purple sortir 3 albums avec un chant assuré par deux jeunes inconnus: David Coverdale et Glenn Hughes, le second assurant également la basse. "Burn" et "Stormbringer" (1974), et "Come Taste The Band" (1975) rentrent alors directement dans la légende du Pourpre Profond avant un des nombreux changements de line-up qui marqueront l'histoire du quintet britannique. Il se dit qu'avant le décès de John Lord (2012), les deux vocalistes avaient envisagé une reformation du groupe sous sa forme MKIII, en compagnie du dieu des claviers et de Ritchie Blackmore. Projet avorté par la disparition de Lord, il s'est transformé en un album de Whitesnake rendant hommage à ce grand bonhomme au génie inimitable. Mais qui dit Whitesnake dit David Coverdale, et qui dit David Coverdale doit envisager la controverse.
Car "The Purple Album" a déjà fait parler de lui avant même qu'il ne puisse être écouté, et il semblerait même que certains ne se soient pas gênés pour le critiquer sans en avoir entendu une seule note, trouvant la démarche contestable et pas à l'honneur de ses auteurs. Bien sûr, le charismatique vocaliste est le seul de la formation d'origine à réinterpréter ces 13 titres (16 sur la version Deluxe), mais en étant l'auteur et ayant eu le bonheur de compter John Lord parmi les membres de Whitesnake à une époque, il n'a pas à se justifier quant à la légitimité de cet opus. Quant à l'absence d'inspiration que cet album est censé masquer, elle n'a pas lieu d'être soupçonnée dans le cadre d'un hommage sincère et d'une interprétation bénéficiant de multiples évolutions ne manquant pas d'un intérêt certain pour la plupart. En effet, sur l'ensemble des titres de "The Purple Album", il n'est pas rare de constater que Coverdale et sa bande ont préféré se réapproprier les titres originaux, plutôt que de se lancer dans l'entreprise d'une impossible imitation.
Le plus frappant est la prise de pouvoir par la paire de guitaristes désormais composée de Reb Beach et de Joel Hoekstra (Night Ranger), ce dernier ayant remplacé Doug Aldrich. En effet, plutôt que de singer les claviers de John Lord, et bien que Derek Hilland assure quelques jolis soli, le parti-pris est ici de laisser les six-cordistes étaler leur talent de shredders, apportant un côté 80's à une production en phase avec son époque. Cette approche en profite également pour contourner l'absence des lignes de chant assurées à l'époque par Glenn Hughes, les chœurs s'occupant du reste. L'ensemble sonne inévitablement plus heavy que les originaux, le retour du bucheron Tommy Aldridge derrière les fûts n'y étant pas étranger, ce qui ne manquera pas de faire regretter le groove de Ian Paice à quelques occasions ('You Fool No One', 'Lay Down Stay Down'). Par contre, 'Burn', 'You Fool No One', avec son intro à l'harmonica, 'Lady Double Dealer' ou 'Might Just Take Your Life' bénéficient d'un lifting rutilant qui leur sied à merveille, alors qu'au contraire, 'Love Child' peine à décoller et que 'Stormbringer' se retrouve noyé dans une surproduction empilant les bruitages superflus. Enfin, il serait dommage de passer à côté d'un 'Sail Away' épuré en version folk et acoustique pour un résultat d'une grande sensibilité, ou d'un 'The Gypsy' rallongé et prenant un caractère épique inédit.
Cet opus représente le cas typique de l'hommage qui divisera les amateurs des versions originales. D'un côté, les intégristes verront dans ces interprétations, soit un manque de respect, soit une incapacité à rendre l'esprit de leur création. Ils seront rejoints dans la critique par certains amateurs de Whitesnake voyant dans cet opus un aveu d'absence d'inspiration. Les autres respecteront une démarche dont l'hommage est à l'origine, ainsi que la prise de risque consistant à se réapproprier des titres ayant tellement marqués l'histoire du hard-rock, et du rock en général. Entre les deux se trouveront ceux qui, sans nier les défauts de "The Purple Album", préfèreront l'aborder avec un esprit vierge de tout a priori et profiterons d'un ensemble à même de satisfaire aussi bien les amateurs de Deep Purple et ceux de Whitesnake. Après tout, pourquoi se priver d'un plaisir simple et efficace ?