En 1972, l´Italie, terre d´accueil exubérante du rock progressif anglais (Van der Graaf Generator sera en tête des ventes avec "Pawn Hearts" fin 1971!), avait apprécié la naissance de ses poulains progressifs (Le Orme avait enregistré son album "Collage" l´année précédente). Mais c´est un groupe milanais au nom improbable, Premiata Forneria Marconi (la "Victorieuse Boulangerie Marconi", une épicerie de Chiari) qui va tenir la dragée haute aux Anglais après la sortie de son premier album "Storia di un minuto".
Souvent qualifié de Genesis italien, cette étiquette amovible ne limitera pas les capacités du groupe à celles d´un simple compilateur habile dépourvu d´originalité. Certes, on retrouve pour soutenir la comparaison, des passages instrumentaux romantiques ou pastoraux aux subtils arrangements symphoniques (´Dove...quando´ qui peut rappeler 'Selling England By The Pound' - pourtant sorti 1 an plus tard ! - , la guitare hackettienne sur ´La carozza di Hanos´, l´ouverture à l´orgue puis le relais pris par le piano jusqu´au sommet incarné par le mellotron sur ´Dove...Quando Part 2´ avant l´irruption du violon).
Pourtant, si le groupe fait sien le rock progressif anglais, il n´a pas à rougir d´une quelconque dette envers quiconque. Car Premiata Forneria Marconi ne recule devant rien, pas même l´exubérance. ´E...Festa´, passage obligé lors des concerts, est un maelström sonore, plus proche de l´énergie de King Crimson que d´un Genesis, en comparaison frigide. On peut entendre dans ce morceau très accompli, les doigts de Flavio Premoli égréner des notes de piano puis de synthétiseur à toute vitesse, la flûte de Mauro Pagani virevolter (avant que ce dernier n´offre une imitation comique de ténor d´opéra), une basse grondante toujours sur le qui-vive... ´La Carozza di Hans´ traverse tous les genres musicaux. Débutant a cappella avec la voix grave et torturée de Mauro Pagani proche de la fissure entrouverte par une guitare hard, la voix une fois apaisée s´efface petit à petit pour laisser le champ libre à une très émouvante partition de guitare acoustique. Puis, le volcan entre à nouveau en éruption, sous la domination du violon de Mauro Pagani, jusqu´à ce que le mellotron n´y mette bon ordre.
Le groupe est également capable de nous offrir des chansons de format plus traditionnel. ´Dove...quando part 1´ chantée par le batteur Franz di Cioccio, nous conduit vers des paysages de tristesse révélés par le jour levant grâce à la voix magnétique de son interprète. Le guitariste Franco Mussida, avec la romantique et automnale ´Impressioni di settembre´ met en avant son bel organe, qui explose sur les refrains à l´unisson fougueuse de tous les musiciens.
Le succès de "Storia di un Minuto" ne tient pas à un quelconque patriotisme exacerbé d´une Italie fière de pouvoir compter sur de nouveaux héros progressifs. Comme toujours en Italie, tout est représentation et certains ont accusé le groupe de se jeter à pieds joints dans l´exhibitionnisme... Il est nécessaire de ne pas oublier qu´une tradition (progressive ou non) diffère d´un pays à l´autre. Ecouter cet album est fortement recommandé pour les grands voyageurs, en quête d´aventures sonores inoubliables.