Après cinq ans de silence, si l'on excepte la parenthèse constituée par l'hétéroclite "Lost Eggs", album d'inédits, les étonnants Suédois d'Isildurs Bane reviennent plus en forme que jamais avec un disque inaugurant l'avènement d'un nouveau projet baptisé "MIND". "MIND" pour Music Investigating New Dimensions, programme ambitieux s'il en est. Comme d'habitude, le line-up est pléthorique, Isildurs Bane aimant s'entourer d'une foule d'invités donnant une palette sonore d'une richesse inestimable rare dans le monde du rock, même progressif. Autour des deux rescapés du groupe originel, Mats Johansson, le compositeur du groupe, et Kjell Severinsson, le batteur dont l'intelligence du jeu mériterait d'être copiée par nombre de ses pairs, on retrouve quelques habitués (le flûtiste Björn J:son Lindh, Jan Schaffer à la guitare, le Zorn Trio au complet) et de nombreux petits nouveaux permettant d'afficher un instrumentarium de rêve (piano, synthétiseur, guitares électriques et classiques, percussions, violon, violoncelle, flûtes traversières et à bec, hautbois, cor anglais, trompette, trombone, tuba,…).

Peut-être moins cohérent que "The Voyage – A Trip To Elsewhere", "MIND Volume 1" s'avère néanmoins passionnant de bout en bout. On retrouve des titres fusionnant les genres ('The Flight Onward', 'The Pilot', 'Opportunistic Walk') dans l'esprit de "Cheval – Volonté de Rocher" et "The Voyage", des mélodies mélancoliques plus concises ('Ataraxia', 'In A State Of Comprehension', 'A Blank Page'), voire classiques ('Unity') mais où se trouvent toujours des éléments de modernité, des trouvailles ingénieuses et décalées qui permettent à ces titres d'être autre chose que de jolies mélodies. Enfin, le groupe s'aventure pour la première fois sur un territoire expérimental ('Holistic Medicine'), abordant une terre plus aride et dépouillée, plus sombre également, que le répertoire auquel il nous a habitués, un voyage dans le monde d'Alice au Pays des Merveilles peuplé de Chapelier Fou, de Chat de Cheshire et de Reine de Cœur plus déjantés encore que dans l'univers de Lewis Carroll.

Autant prévenir le profane, la musique d'Isildurs Bane dépasse souvent les strictes frontières du rock pour délivrer une fusion des genres très personnelle, allant du classique romantique à l'expérimental en passant par le jazz. On saute de Camel à Jethro Tull, de Schubert à Debussy, de Gershwin à Walt Disney, de Satie à Ennio Morricone qui aurait croisé Carlos Santana sans que cela ne choque, la force d'Isildurs Bane résidant dans sa capacité à faire se télescoper tout ce beau linge sans que cela ne paraisse le moins du monde incongru.

Assurément très aventureux, alternant moments mélancoliques et enjoués, avec une légère prédominance de ces derniers, mélangeant habilement tous les styles musicaux, "MIND Volume 1" n'est bien évidemment pas pour toutes les oreilles. Un disque un peu fou, d'une grande finesse, d'une grande richesse, mais qui nécessite une certaine ouverture d'esprit et l'espoir de découvrir autre chose que de jolies mélodies faciles à siffloter pour pleinement l'apprécier.