A peine un an après son premier méfait, Chuck Schuldiner embauche une nouvelle équipe et livre un brûlot cent pour cent malsain. Le guitariste a toujours été en avance sur son temps : il a initié le death quand l'heure était encore au thrash, il a introduit des éléments progressifs et jazz quand l'heure était encore au brutal, il a fait du metal prog' quand le style était encore en éclosion... Bref, il est une initiateur, qui matérialise ses visions morbides sans concessions. Il continue donc ici son avancée vers une musique plus extrême.
Toutefois, avant d'être il lui faut devenir... Death se cherche donc, construit une expression musicale de plus en plus violente, de plus en plus animale, des sonorités dans lesquelles on sent une volonté de distiller l'angoisse totale. Les riffs sont énormes, le guitar hero malmène son instrument, use et abuse du floyd, émet des vibrations effrayantes dignes de Morbid Angel. Les salves sont rapides et les mélodies déstabilisantes, il utilise les ressorts de la musique dodécaphonique : des harmonies déroutantes, des chromatismes en un mot, des phrases musicales tortueuses. Votre serviteur a toujours été convaincu que Stravinsky et le death n'étaient que la même expression d'une cherche musicale identique : un désir de définir un espace sonore non euclidien.
Dès les premières minutes, le rythme martial et son martèlement incessant symbolise l'avancée des troupes de l'ombre. La tension monte graduellement, le rythme est alors effrénée, la voix sale et gorgée de vomissures, les riffs d'une grande complexité... 'Forgotten Past' veut renouer avec des racines plus thrash avec un rythme rapide et percutant. 'Pull The Plug' ouvre la voie à Cannibal Corpse avec des riffs qui procurent une sensation de malaise indicible digne d'un vieux film d'épouvante. 'Choke On It' est le grand frère de 'Cause Of Death', son introduction et sa montée en puissance lui sont très similaires.
"Leprosy" est un album tout en contrastes, une rondelle violente et crasseuse en avance sur son temps, une galette qui définit des bases qu'un million d'imitateurs n'auront de
cesse de copier sans jamais arriver à les transcender. Ainsi, au travers de riffs étouffants, des soli dissonants, le maître impose une identité. Et même si par la suite, son style a évolué, ce
ne sera qu'une éternelle réécriture de ces premiers opus. Un grand album qui plaira aux amateurs de poisse et de technique.