Un an après l'enregistrement du très ambitieux ''The Power and The Glory'', Gentle Giant, tout fraîchement accueilli par son nouveau label Chrysalis (qui comptait dans son écurie Jethro Tull, avec lequel Gentle Giant a tourné), retrouve le chemin des studios. Le départ de chez Vertigo pour un label plus réputé aura-t-il un impact sur l'enregistrement de son septième album ''Free Hand'' ?
A l'écoute de la première piste, on est en droit de penser que le groupe, qui avait pour but de ''repousser les musiques populaires contemporaines, au risque d'être impopulaire'', semble avoir fait quelques concessions à ce qu'il avait naguère pourfendu. Ainsi 'Just The Same' débute avec un son de clavier si particulier qu'on pourrait accuser le groupe de faire un coming out en faveur de... Stevie Wonder. Cette piste dansante, faussement simpliste, prouve que le groupe était de taille à aérer son propos sans pour autant se dénaturer ('Time To Kill' est une autre réussite de l'album avec son introduction Pong et ses choeurs envoûtants).
Le groupe n'en délaisse pas pour autant les sonorités médiévales qui ont contribué à forger son identité musicale. Le titre éponyme qui commence avec une fugue (dont s'inspirera Claudio Simonetti pour 'Phénomena') laisse place à une énergie rock brute, portée par des paroles à l'acide contre l'industrie musicale. Petit à petit, le cours tourmenté va changer de cap rythmique jusqu'à atteindre une rêverie, dans laquelle basse, percussions et claviers offrent un repos de courte durée. Le sommet de l'album est atteint avec 'On Reflection', qui poursuit sur les mêmes bases que 'Knots' avec un chant polyphonique à quatre voix d'abord a cappella (que Spock's Beard essaiera en vain de copier sur 'Thoughts'), des idées d'instrumentation inédites (un instrument différent sert d'introduction à chacune des voix dans la partie suivante), une émotion à fleur de peau magnifiée par la voix de velours de Kerry Minnear, le violon de Ray Shulman, le vibraphone et la flûte de Gary Green sur la deuxième partie, et des paroles dédiées à leur ancienne maison de disque Vertigo.
Seule ombre au tableau, la fin de l'album baisse en intensité. L'instrumental gallois 'Talybont' avec sa flûte virevoltante et 'Mobile' (avec son texte qui rappelle 'Ladies Of The Roads' en moins sexuel) semblent avoir été placés tardivement en queue de disque et ne constituent guère une bonne conclusion pour un album de cette volée. 'His Last Voyage', par son titre et par l'émotion surannée qui émane de la voix de Kerry Minnear et du solo de guitare de Gary Green aurait pu constituer un plus crédible candidat pour fermer cet opus. Il ne s'agit aucunement d' un problème de qualité mais de dosage savant qui nuit à l'écoute intégrale de l'album.
''Free Hand'' va marquer un compromis satisfaisant entre héritage et concessions modernes. L'album se place en rupture totale avec les deux précédents plus expérimentaux. Il sera le seul disque du doux géant à se placer dans le Billboard américain du meilleur album (avec une dérisoire 48ème place).