Avant d'être la machine à tubes Pop-Rock que le monde découvrit en 1975 avec son second album éponyme, et plus encore en 1977 avec "Rumours", Fleetwood Mac fut un groupe de Blues-Rock. Un sacré groupe même, fondé autour de Peter Green qui venait juste de quitter John Mayall et ses Bluesbreakers. Malheureusement, le génial guitariste était également un esprit torturé qui, sous l'effet conjugué d'une célébrité naissante mal supportée et de l'abus de substances hallucinatoires, finit par sombrer dans un état justifiant son internement en hôpital psychiatrique. S'il est toujours en vie, l'artiste a cependant alterné les périodes d'accalmies et de rechutes, ce qui ne lui a jamais permis de retrouver son lustre d'antan. Cela ne l'empêche cependant pas d'être un véritable légende aux yeux de nombreux amateurs de Blues, que ce dernier soit British ou non.
Parmi les fans du génie à l'esprit torturé, se trouve un certain Gary Moore qui, profitant de la notoriété apportée par ses deux précédents opus, décide de lui rendre un vibrant hommage en proposant un album uniquement composé de reprises de titres écrits par Peter Green affectueusement surnommé Greeny pour l'occasion. La preuve de respect va jusqu'à l'utilisation de la Gibson Les Paul Standard du maître sur l'intégralité de l'album. Il faut dire que c'est Green lui-même qui a cédé cet instrument à l'Irlandais avec lequel il avait lié une relation amicale depuis que ce dernier avait ouvert pour le Mac avec son premier groupe (Skid Row).
"Blues For Greeny" est donc composé de 11 titres sur lesquels Gary Moore s'est entouré d'une formation réduite mais composée de pointures telles que Tommy Eyre aux claviers (Joe Cocker, MSG, John Mayall, Greg Lake…) ou Andy Pyle à la basse (Savoy Brown, The Kinks, Wishbone Ash). La production est plus épurée que sur les précédents opus, ce qui confère une plus grande authenticité à l'ensemble qui paraît presque avoir été enregistré dans un bon bar-concert, si ce n'est l'apparition de cuivres sur 'If You Be My Baby' ou 'Love That Burns', ou de cordes sur 'I Need Your Love So Bad'. Dans ces conditions, Gary Moore prouve qu'il est un véritable bluesman et fait taire les derniers détracteurs qui l'accusaient d'opportunisme suite à "Still Got The Blues" et "After Hours". Que cela soit en tenant des notes interminables sur l'instrumental 'The Supernatural', en utilisant la slide sur un 'Showbizz Blues' bien roots semblant sortir des rives du Mississippi, ou en lacérant d'éclairs guitaristiques la boucle lancinante et hypnotisante de 'Looking For Somebody', l'Irlandais offre une véritable démonstration qui ne se résume plus aux soli gorgés de feeling qui habillent toutes les superbes ballades qu'il nous sert régulièrement.
Si l'exercice de l'album hommage impose forcément quelques limites, Gary Moore s'en sort néanmoins haut la main, démontrant au passage sa capacité à s'approcher des légendes du Blues dont Peter Green est une figure incontournable. Voici un opus à conseiller aussi bien aux fans du maître qu'à ceux de l'élève, et surtout à tous les amateurs du Blues dans toute sa splendeur.
NB: A noter une réédition offrant 3 titres en version acoustique d'une pureté qui mérite qu'on y porte attention.