Nous vous annoncions à l’occasion de la sortie du dernier album de Ron "Bumblefoot" Thal, qu’un nouveau projet regroupant de fameux talents allait bientôt faire grand bruit dans le milieu du métal. Le super-groupe Art Of Anarchy formé par Ron Thal, Scott Weiland (Stone Temple Pilots, Velvet Revolver), John Moyer (Disturbed), Jon et Vince Votta ne pouvaient pas imaginer un démarrage plus fracassant, quand quelques jours avant la sortie du premier album le chanteur Scott Weiland minimisait déjà son implication dans le groupe en le qualifiant d’arnaque et en affirmant qu’il n’en faisant déjà plus partie ! C’est donc dans un contexte incertain et électrique que la bande à Ron Thal débarque avec un disque éponyme calibré pour en découdre.

A l’origine, Art Of Anarchy part d’une proposition de Jon et Vince Votta faite à leur ami de vingt ans Ron Thal de monter un projet musical détonnant. Les deux frères ont composé les onze titres et enregistré les prises chez Ron dans le New-Jersey, Scott Weiland se chargeant des paroles et des voix, mises en boîte chez lui à l’autre bout des Etats-Unis. Avant même d’entendre la première note de l’album, le flou demeure sur l’écriture des deux frères Votta et sur la pertinence de les charger seuls de composer pour un groupe destiné à fortement s’exposer médiatiquement.

Après une introduction d’ambiance western sous la pluie, l’entame est de bonne augure avec un ‘Small Batch Whiskey’ au gros son typé Velvet Revolver, bien porté par l’alchimie des riffs de Thal et de la voix de Weiland. Malheureusement, les espoirs sont rapidement ruinés dès ‘Time Everytime’, un titre sec et répétitif qui manque d’épaisseur et de finition. La plupart des morceaux de "Art Of Anarchy" sont formatés commercialement pour occuper le maximum d’espace de cerveau disponible avec des mélodies faciles et entêtantes (‘Time Everytime’) et des structures simples (‘Superstar’). Quelques titres tirent péniblement leur épingle du jeu comme le grunge moderne au refrain travaillé de ‘The Drift’, le varié ‘Death Of It’, ou le puissant ‘Aqualung’.

Art Of Anarchy officie dans un hard rock qui ratisse large sans fixer de direction bien identifiée à son album. Les jumeaux Votta aiment le rock des années 90, et leurs compositions ont plus à voir avec une collection d’idées de cette époque, l’originalité et le talent créatif en moins. Du hard rock proche de Guns N’ Roses (‘Get On Down’, ‘Long Ago’) au heavy classique (‘Time Everytime’), en passant par le grunge épais (‘The Drift’) ou en mode mid-tempo (‘‘Til The Dust Is Gone’) à la Creed et le thrash de Megadeth (‘Superstar’) ... "Art Of Anarchy" cultive véritablement l’art de l’anarchie.

Ron Thal s’est beaucoup impliqué dans le projet, mais plus en tant que producteur pour donner du corps au rendu général qu’en tant que guitariste. Ses parties portent rarement les traces de son ADN musical si reconnaissable, et ses soli se cantonnent au minimum d’éclat. La production est de très bonne tenue, mettant en avant la participation très professionnelle de tous les musiciens, mais la batterie ne jouit pas du même traitement et sonne de manière sourde et démodée.

A l’écoute de "Art Of Anarchy" on comprend peut-être un peu mieux la réaction de Scott Weiland de se démarquer d’un projet qui ne convainc que très partiellement par rapport à ce qui était annoncé comme le super-groupe de l’année et ce qu’on pouvait légitimement attendre d’une telle réunion. Bien que Ron Thal, avec la générosité qui le caractérise, défende le travail de ses amis avec la force du désespoir, il y a fort à parier qu’Art Of Anarchy ne soit le groupe d’un seul album qui ne restera pas dans les annales du hard rock.