Quand on aime, on ne compte pas, paraît-il. Certes. Sauf qu'ingurgiter plus de 80 minutes de musique d'un genre, le doom, réputé pour son caractère monotone sinon monolithique, n'est donc pas chose aisée. De fait, nonobstant ses incontestables qualités, sur lesquelles nous reviendrons, combien aurions-nous aimé que ce sixième album de Pombagira subisse quelques coupes salvatrices, ce qui aurait facilité sa défloration.
Mais ce couple britannique (Pete au chant et à la guitare, Carolyn derrière les fûts) est comme ça, habitué des courses de fond, comme l'ont illustré par le passé "Baron Citadel" ou "The Crooked Path", autres disques-fleuve d'une discographie déjà touffue qui ne cesse de s'enrichir depuis 2008. Heureusement, la poignée de pavés de "Flesh Throne Press" est aérée par de courtes pistes qui le rendent plus digeste que prévu, le groupe rompant ainsi avec son (autre) habitude, celle de n'enfanter que des monolithes dont certains n'hésitent pas à tutoyer la demi-heure !
En outre, le doom forgé par les Anglais, s'il se veut toujours extrêmement riche en plomb, se pare cette fois-ci de couleurs plus Stoner que jamais, plus psyché également, à l'image de 'Sorcerous Cry'. Pour ces deux raisons, la pénétration de ce double-album se révèle au final (un peu) moins douloureuse, quand bien même arriver au bout tient presque de la gageure. Bref, "Flesh Throne Press" se mérite, agonie hallucinée qui semble ne jamais vouloir mourir.
Le premier disque est encadré par deux sentinelles aux dimensions épiques. Il s'agit tout d'abord de 'The Way', pièce massive aux ambiances cotonneuses et aux lignes hypnotiques. Plus pétrifié est en revanche le titre éponyme qui ferme la rondelle, inexorable excavation dans d'indicibles abîmes. Ni accélération ni lumière ne viennent à aucun moment dévier cette lente descente tellurique. Guitare et batterie libèrent de véritables secousses sismiques dont les ondes se répandent durant de longues minutes figées dans la terre. Entre ces deux monuments, quatre morceaux s'enchaînent, certains simples interludes ('Soul Seeker'), d'autres au format ramassé ('Gather') ou étiré ('Sorcerous Cry').
Le second disque s'ouvre sur 'In The Silence', et ses 15 minutes au jus, saillie aux multiples coups de boutoir, tour à tour pachydermique ou presque aérienne, même si le duo ne décolle jamais vraiment du sol, englué qu'il est dans une épaisse couche de mazout. Le menu continue ensuite sa course tranquillement mais finit par lasser quelque peu avec des pistes moins abouties ('Blessed Are the Dead', 'I Curse I Pray'), confirmant que des coups de ciseaux n'auraient pas été superflus. Seul 'Cold Descent' marque réellement les esprits lors de cette fin de parcours qui traîne en longueur.
Un peu à l'image de cette double ration qui peine à captiver, la faute à un déficit de nuances et de variété mais que sauvent toutefois quelques très grands moments de doom stoner terreux et boisé.