Après un "Ascending To Infinity" magistral, voici la deuxième pierre de l'édifice du cinematic metal de Luca Turilli. Sept mois de composition, trois mois de production et cinquante jours de mixage auront été nécessaires pour accoucher de ce "Prometheus - Symphonia Ignis Divinus". Tout cela aboutit à un album épique à souhait, plein de promesses, d'arrangements majestueux et d'invités tels que Ralf Scheepers et David Readman pour parler des plus connus.
Dans cet album, il y a donc de nombreux chœurs variés et très présents, des orchestrations toujours plus symphoniques, pompeuses et épiques, des guitares d'une redoutable efficacité, des rythmiques rigoureuses et la voix emphatique et enlevée d'Alessandro Conti qui chante en anglais, beaucoup en italien et un peu en latin. On trouve également une superbe illustration de Stefan Heilemann qui approfondit l'aspect cinématographique de l'ouvrage. Indiscutablement, la dimension épique, orchestrale et cinématographique est plus présente que jamais dans l'œuvre de Turilli qui a vu les choses en grand. Il faut du temps et des écoutes pour décortiquer cet album riche et foisonnant.
'Nova Genesis' introduit le propos à grand renfort de choeurs pompeux. Les différents titres détiennent une personnalité forte qui vogue entre metal néo-classique, musique symphonique plus ou moins baroque, et autres influences variées. 'Rosenkreuz', premier single, présente une alchimie entre musique moderne et très classique dans un ensemble enjoué et entraînant. 'Anatha' est une réussite absolue, mélancolique, pleine de spiritualité hispanisante dans une relative sobriété. 'Notturno' est l'occasion pour la voix lyrique d'Emilie Ragni, par ailleurs assez présente (chanteuse de jazz et d'Inner Visions (power metal mélodique), groupe annécien où se produit un certain Dominique Leurquin) de se mêler admirablement à celle de Conti dans une ballade romantique qui fleure bon l'opéra. 'King Solomon And The 72 Names Of God' emprunte quelques sonorités arabisantes pour délivrer une musique cinématographique digne des films d'aventure les mieux produits. On peut y entendre quelques mots d'hébreu (notamment Kodesh Kodashim en référence au Saint des Saints, Temple de Jérusalem) et des variations moyen-orientales. 'Yggdrasil' du nom de l'Arbre du Monde de la mythologie nordique évoque justement le Vallhala, Odin et les Runes magiques, et renoue surtout avec les hymnes de métal symphonique auxquels nos oreilles sont habituées depuis les débuts de Rhapsody, si ce n'est une guitare un peu en retrait. L'album se termine sur une longue pièce ('Of Michael The Archangel And Lucifer's Fall Part II') en cinq parties, suite d'un titre présent sur l'opus précédent. On a de nouveau affaire à une véritable bande originale qui passe par de nombreuses phases épiques, romanesques ou sentimentales.
A vouloir trop en faire, Lucas Turill ne se perd-t-il pas dans une ambition démesurée et un projet trop grand pour lui? Est-il à la hauteur de cette œuvre pharaonique qui n'a finalement plus grand chose à voir avec le simple métal vecteur de puissance, d'émotion et de partage? Il serait tentant de répondre par l'affirmative, mais ce serait nier le talent évident de compositeur, d'orchestrateur et d'arrangeur de l'Italien. Ce serait aussi ne pas reconnaitre qu'il se donne les moyens de réaliser complètement et de produire ce qu'il perçoit comme étant son art. Car, outre, une grandiloquence du vocaliste ('Il Cigno Nero') qui pourrait agacer sur la durée, et quelques longueurs sur le dernier titre notamment, il est difficile de prendre cet album à défaut.
C'est donc une nouvelle œuvre majeure qui fera date dans la course effrénée vers la musique symphonique, couleur que Turilli veut imprimer à son metal mélodique. Les titres sont variés et délivrent des ambiances assez diverses mais toujours très pompeuses, orchestrées, et dans lesquels les chœurs prennent une place toujours plus importante. Il faut tout de même adhérer à cette démarche particulière, mais le talent et la virtuosité du maître que l'alpine Trieste a vu naître est incontestable et semble inépuisable de créativité.