Apparus dans le paysage progressif il y a 10 ans avec un premier album à l'artwork improbable (une magnifique pomme granny-smith !), les Norvégiens de Magic Pie nous reviennent en 2015 avec leur quatrième effort, sobrement intitulé "King For A Day".
Loin de la noirceur et de la mélancolie qui collent aux basques de la majeure partie des groupes scandinaves, Magic Pie a imposé dès son premier album un progressif plein de punch, mariant sans vergogne l'héritage des anciens du genre avec l'énergie du hard-rock de la même époque. En résumé, une bonne dose de Flower Kings mâtinée de Deep Purple et Uriah Heep. Recette originale, et couronnée de succès (au moins d'estime) pour leurs deux premiers albums.
Pourtant, leur précédente livraison, "The Suffering Joy", avait vu le groupe intégrer un nouveau frontman au chant, issu de la scène métal. Relation de cause à effet ou simple conséquence de l'inspiration du moment, leur progressif musclé avait alors pris une franche orientation métallique. Avec "King For A Day", le groupe revient à des standards un tantinet moins bruyants, retrouvant sa dynamique originale sans verser outrageusement dans l'exagération sonore.
Et pour démontrer une nouvelle fois toute leur énergie, les Norvégiens démarrent ce nouvel album tambour battant avec un potentiel single radiophonique (le tout étant à prendre avec de larges guillemets), j'ai nommé le très punchy 'Trick Of The Trade'. Comme pour les deux autres titres "courts" de cette galette, Magic Pie agrippe l'auditeur dès les premières secondes pour ne plus le lâcher, variant les mélodies chantées, ajoutant des chœurs façon Spock's Beard, et entrecoupant le tout de breaks instrumentaux. Le mariage des sonorités vintage (orgue Hammond à la Jon Lord) et des guitares virulentes flirtant régulièrement avec le métal mais sans parvenir à effaroucher les oreilles les plus sensibles est parfaitement réussi. L'énergie déployée au chant par Eirikur Hauksson ainsi que son timbre légèrement rauque participent pleinement à cette mise en place sans temps mort.
Cette recette se retrouve sur les deux titres plus longs que sont 'Introversion' et 'Tears Gone Dry'. Si le premier aurait mérité une fin mieux négociée (les derniers instants de calme semblent superflus par rapport au fourmillement d'idées et aux puissants chorus qui précèdent), le second s'avère de toute beauté et profite pleinement de l'espace qui lui est accordé pour littéralement envoûter celui qui aura commis l'erreur de poser ses deux oreilles sur ces 12 minutes.
Reste pour le dessert le passage "obligé pour un groupe de prog" (c'est le groupe qui le définit comme tel dans une interview au magazine "Prog" – nous leur laisserons la responsabilité de cette assertion) par le mega opus de 28 minutes que constitue le titre éponyme de l'album. 'King For A Day' reprend ainsi sans surprise les recettes éprouvées précédemment. Malgré sa longueur, le titre ne suscite pas de décrochage d'écoute, même s'il aurait très certainement gagné à quelque concision sur la durée : le style de Magic Pie nécessite clairement une certaine attention tant les rebondissements s'avèrent nombreux, et sur une durée totale de 72 minutes, il devient parfois difficile d'éviter la saute de concentration.
Sans faire de bruit (façon de parler), Magic Pie prend un peu plus une place de choix dans le haut du panier des formations progressives modernes, de celles capables de par leur style de capter à la fois les adeptes d'un progressif hérité des temps anciens, mais aussi ceux qui sont en attente d'une connexion plus en phase avec l'époque actuelle. Avec "King For A Day", nul doute que le pari est une nouvelle fois réussi.