Un live ou une compilation sont souvent l'occasion d'albums charnières dans la carrière d'un groupe. Sauf que chez les Texans de ZZ Top, on a pour habitude de n'en faire qu'à sa tête sans tenir compte des règles du milieu. Ainsi, "Fandango!", paru en 1975, n'était que partiellement un live, ce qui trouble déjà en partie les repères habituels. Et comme d'autre part, le trio n'a pas l'intention de révolutionner sa musique qui fait déjà preuve de suffisamment de personnalité, le petit nouveau, intitulé "Tejas" en hommage à l'état dont ses auteurs revendiquent fièrement leurs origines, repart sur des bases déjà utilisées depuis les débuts discographiques des trois barbus. N'allez pas en déduire que Gibbons, Hill et Beard se reposent sur leurs lauriers, mais juste que les évolutions continuent à se faire à un rythme imposé par les grandes chaleurs : tranquillement !
Cette affirmation d'un particularisme artistique faisant de ZZ Top une formation à l'identité forte et facilement reconnaissable, n'empêche cependant pas un début d'album sur les chapeaux de roues, enchaînant les pièces aussi accrocheuses qu'irrésistibles. Du swing faussement nonchalant d'un 'It's Only Love' au refrain simple et immédiat, à un 'El Diablo' ondulant tel un serpent à sonnette glissant sur le sable d'un désert surchauffé, en passant par le boogie au riff obsédant de 'Arrested For Driving While Blind', tout est réuni pour envoûter l'auditeur. Derrière une désinvolture de façade, les tres hombres nous enserrent dans les boucles confortables de leur blues-rock si personnel, tout en restant prêts à frapper sans crier gare, tel l'éclair sur les plaines du Sud.
La suite se veut moins immédiate mais recèle encore quelques perles nécessitant plusieurs écoutes pour livrer leurs trésors. A commencer par le jeu de batterie d'un Franck Beard souvent injustement sous-estimé ('Snappy Kakkie', 'Ten Dollar Man', 'Avalon Hideaway'). Sur des rythmes souvent syncopés ou sur quelques changements de tempo imprévisibles, il sait se faire aussi discret qu'efficace, et démontre surtout une technique de premier ordre. Au milieu de ces titres moins accessibles, se cachent cependant un 'Pan Am Highway Blues' mélangeant un boogie entraînant à des éléments popisants et des intonations country renforcées par l'utilisation de la slide. Quant à 'She's A Heartbreaker', il rajoute l'utilisation d'un violon à des éléments communs au titre précédemment cité.
L'album prend fin sur le surprenant 'Asleep In The Desert', sympathique instrumental aussi relaxant qu'un coucher de soleil sur une route traversant le désert. S'il ne bénéficie pas de titres incontournables, ce qui le rend moins indispensable que certains de ses prédécesseurs, "Tejas" continue cependant à faire honneur à la discographie des légendaires barbus texans. Cet opus perpétue une tradition qui voit ZZ Top poursuivre son évolution sans se presser, tout en affirmant un savoir-faire désormais reconnaissable entre tous. Il fait également partie de ces œuvres à la fausse simplicité cachant des trésors qui ne se livrent qu'à ceux qui voudront bien s'en donner la peine.