Il fallait s'en douter ! "Take No Prisoners" (1982), second album avec Jimmy Farrar au chant, ayant laissé le public sur sa faim avec son Rock de plus en plus Hard et de moins en moins Southern, des changements étaient à prévoir. Dans le cas présent, ils ne sont pas minimes. Le plus important est le retour de Danny Joe Brown derrière le micro. L'emblématique et historique chanteur ayant surmonté ses problèmes de santé, c'est sans aucune hésitation que Dave Hlubek et Steve Holland valident son retour au bercail. Comme pour les en remercier, l'imposant vocaliste n'arrive pas les mains vides, amenant avec lui une nouvelle section rythmique composée du bassiste Riff West (White Witch) et du batteur Barry Borden (Mother's Finest). Toute cette bande se présente décidée à en découdre, comme le prouve une pochette qui, pour la première fois de la carrière du sextet floridien, ne représente pas une œuvre inspirée par l'heroïc-fantasy, mais bien les membres du groupe prêts pour un duel dans la rue principale d'un décor de western.
Tout ce chambardement se traduit des les premières notes d'un 'What Does It Take ?' ouvrant les hostilités avec dynamisme et marquant le retour des cavalcades guitaristiques qui avaient fait la réputation de Molly Hatchet sur ses deux premiers albums. Avec son intermède de piano, ce titre confirme le renouveau d'un Southern Rock dont le sextet s'était éloigné suite au départ de Danny Joe Brown. Certes, les influences Hard ne sont pas très éloignées, mais elles reprennent la place qui leur était dévolue dans ce mélange de Blues, de Country et de Boogie, que le groupe avait imposé à ses débuts. Le sommet est atteint sur 'Fall Of The Peacemakers', superbe pièce de plus de 8 minutes, débutant comme une ballade toute en douceur et faisant référence au décès de John Lennon. Pendant toute la première partie, la mélancolie est de mise et les paroles posent les bonnes questions sur la place accordée aux porteurs d'un message pacifique dans notre société. Et puis, au bout d'environ quatre minutes, le tempo s'accélère et les guitares prennent le pouvoir pour une des plus belles passes d'armes de l'histoire du Rock. Les soli se succèdent, se croisent, s'entremêlent, parfois renforcés par un piano qui commence à prendre une place à part entière au sein de la plupart des titres de l'album. Superbe et imparable, ce titre s'impose comme l'étendard du retour de Molly Hatchet à ses valeurs d'origine.
Retour aux valeurs ne signifie pas retour en arrière pour autant. Oscillant entre titres roots et musclés ('Ain't Even Close'), compositions au rythme soutenu et au swing irrésistible ('Sweet Dixie', 'Under The Gun'), et pièces plus mélodiques au refrain enjôleur ('Kinda Like Love'), "No Guts… No Glory…" n'a rien d'un ensemble sentant le réchauffé et il voit même Hlubek & Co. enrichir leur musique de multiples interventions de piano et autres orgues ('What's It Gonna Take ?'), allant même jusqu'à proposer en conclusion un instrumental mid-tempo sur lequel guitares et piano déversent plusieurs soli savoureux ('Both Sides').
Sans temps mort, chaque titre réussissant à trouver sa place sans trop souffrir de l'ombre du monumental 'Fall Of The Peacemakers', ce nouvel opus relance la carrière de Molly Hatchet après deux albums plus timorés. Reprenant les choses où ils les avaient laissées avec "Flirtin' With Disaster", les Floridiens s'installent à nouveau sur les sommets du Southern Rock, réussissant le délicat équilibre entre une identité et des valeurs qui ont fait leur légende, et juste ce qu'il faut d'évolutions pour permettre à leur carrière de garder un dynamisme vital.