De quelle peuplade reculée peuvent donc être originaires les musiciens de ce groupe au drôle de nom : Alco Frisbass ? N'allez pas chercher bien loin, ils sont tout simplement français. Alco Frisbass vient d'Alcofrisbas, nom de magicien choisi par Georges Méliès et retrouvé sur une affiche par l'un des membres du combo, avant qu'il ne découvre par la suite que Méliès l'avait lui-même emprunté à François Rabelais qui utilisait l'anagramme de son nom (Alcofrisbas Napier) comme pseudonyme pour écrire en paix.
La littérature, la magie et le cinéma, la musique, … un nom qui voyage et qui semble finalement porter chance à ceux qui l'utilisent, leurs entreprises aboutissant à des résultats plutôt réussis. Car ce premier album éponyme du duo Fabrice "Chfab" Chouette/Patrick "Paskinel" Dufour est des plus séduisants.
Bien sûr, il faut aimer les albums instrumentaux, le chant n'ayant pas droit de cité si ce n'est le temps de brèves vocalises au début de 'Induction Magnétique'. Il faut aussi aimer les claviers, ceux-ci imposant leur présence ininterrompue tout du long de l'album. Mais, outre les nombreuses sonorités diverses et variées que nos duettistes tirent de leurs instruments, évitant tout sentiment de lassitude, le violon d'Archimède de Martini et la guitare de Jacob Holm Lupo (White Willow) viennent introduire quelques dérivatifs de bon aloi dans les titres sur lesquels ils officient, empêchant la monotonie de s'installer, travers fréquent à ce type d'album. On regrettera juste la discrétion de la rythmique qui n'apporte pas toujours le relief espéré (l'utilisation de batteries programmées montre ses limites) et dont la linéarité invite à se demander si les titres n'y auraient pas parfois gagné à s'en passer purement et simplement.
Le duo a parfaitement assimilé le melting-pot d'influences qu'il revendique, jazz, jazz-rock, rock progressif 70's, Zheul, RIO, mais aussi post-rock, musique ethnique, chanson française, néo-classique et compositeurs classiques du XXème siècle, pour les restituer sous la forme de compositions d'une fluidité remarquable. Car, que ceux qui ont froncé les sourcils en lisant les termes 'jazz-rock', 'Zheul' ou 'RIO' se rassurent, ces influences-là restent discrètes et les dissonances ne font pas partie du programme. Alco Frisbass leur préfère les beaux thèmes mélodiques invitant à la rêverie et une musique cinématique projetant ses images dans le cerveau de l'auditeur.
Après l'excellente trilogie que constituent 'La Suspension Ethéréenne' et son violon mélancolique, le plus sombre 'Pas A Pas' et le petit bijou canterburien 'Induction Magnétique', l'album marque légèrement le pas avec 'La Danse Du Pantin' dont le charme peine à agir, avant que 'Escamotage' ne relance la machine, malgré quelques longueurs, mais aussi de très bonnes idées, et que 'Judith Coupeuse de Tête' ne termine l'album en beauté dans une certaine emphase, méritant largement les applaudissements qui concluent ce titre.
Malgré de menus défauts, "Alco Frisbass" est un album plein de charme dont les mélodies délicates s'écoutent avec un plaisir non dissimulé, invitant au voyage le mélomane qui sommeille en vous.