Cela faisait déjà cinq ans que les Grecs de Ciccada nous avaient enchantés avec le très beau "A Child In The Mirror", et nous étions en droit de craindre qu'un si long silence ne signifie la disparition du groupe à peine éclos. Fort heureusement, il n'en est rien et leur second album, le bien nommé "The Finest Of Miracles", vient nous rassurer sur la santé d'une formation qui n'a rien perdu de son talent.
Car dès les premières notes de 'A Night Ride', l'envoûtement un peu féérique qui s'était emparé de l'auditeur sur l'album précédent se renouvèle, par ces délicats arpèges de guitare qui s'enchevêtrent autour d'un violon et de quelques notes de synthés rappelant le Genesis de la belle époque. Cet instrumental atmosphérique et camélien, très musical, alterne passages délicats et musclés, permettant aux divers instruments (guitare, violon, flûte, claviers) de faire de courts solos tour à tour.
Et cette agréable mise en bouche n'est pas un feu de paille mais bien la promesse d'un album de haute tenue, riche et délicat, sur lequel la musique se fait complexe sans être déroutante, changeant fréquemment de thèmes dans la grande tradition progressive, sans jamais perdre l'auditeur pour autant. Si la tonalité générale est douce, elle évite toute mièvrerie et les titres sont souvent parcourus de passages enlevés empêchant toute lassitude. Largement nimbée de teintes folkloriques ('Lemos', 'As Fall The Leave') ou médiévales ('Eternal'), la musique sait aussi se faire plus sombre ('The Birth Of Lights', le final de 'Song For An Island') et sort même de son univers pour s'offrir un détour entre jazz rock et tango sur le délicieux 'Wandering'.
L'instrumentarium très large donne une palette sonore d'une grande diversité voyant une forte domination des instruments acoustiques, flûtes et guitares en tête, bien que les instruments électriques ne soient pas non plus oubliés, les deux mondes fusionnant plutôt que de s'opposer. Les guitares, flûtes traversière ou à bec, saxophone, claviers et percussions des membres titulaires se voient renforcés des instruments de nombreux invités, violon, violoncelle, clarinette, trompette, trombone, cor et tuba.
Si l'album fait la part belle aux musiciens dont les incessantes entrées n'en finissent plus de nous ravir, son charme opère également grâce au talent d'Evangélia Kozoni dont le timbre voilé, merveille de douceur et d'harmonie, apporte une mélancolie des plus agréables. Les effets d'écho sur 'Eternal' sont de toute beauté et son chant devient énigmatique, mêlé à des chœurs masculins, sur 'At The Death Of Winter', un titre en pleins et en déliés très proche de Gentle Giant. L'on se prend même à regretter qu'elle ne vienne poser quelques onomatopées aériennes et élégiaques sur 'Siren's Call' dont le titre eut alors pris tout son sens.
Avec ses changements de thèmes et de couleurs incessants, Ciccada nous offre du vrai progressif, intelligent, mélodieux, varié, complexe sans jamais être ennuyeux, raffiné et délicat, dans la tradition des Genesis, Gentle Giant, Camel et même King Crimson, tout en conservant une personnalité qui lui appartient. S'il leur fallait cinq ans pour aboutir à un tel résultat, nos amis grecs ont bien fait de prendre leur temps.