Allez savoir pourquoi, il y a des fois où l'on a de bons pressentiments avant même d'avoir écouté la première note d'un album. Ce fut le cas en ce qui me concerne avec le dernier album de La Coscienza Di Zeno, "La Notte Anche Di Giorno". Pas vraiment grâce à la pochette sur laquelle figure un mystérieux homme-arbre dont les cheveux-racines semblent drainer des petits soleils alors que de sa main coule l'eau d'un océan, intrigante sans plus. Un peu plus par le nom du groupe et de l'album. Certes, il faut goûter le prog italien mais c'est souvent le gage de mélodies raffinées et un brin romantiques. Mais la cause est définitivement acquise à la lecture du line-up : un violon, un violoncelle, une flûte et deux (!!) claviers, voilà la promesse d'un rock symphonique ou je ne m'y connais pas.
Et La Coscienza Di Zeno a le bon goût de ne pas décevoir l'amateur ainsi alléché. L'album, découpé en deux suites d'un peu plus de vingt minutes chaque, rappelant les deux faces des bons vieux vinyles, contient son comptant de rock symphonique chatoyant et fort mélodieux, mélange équilibré de vintage et néo propre à satisfaire tous ceux qui s'intéressent aux musiques sophistiquées du moment qu'elles évitent les dissonances ou les expérimentations trop audacieuses.
Pas de mauvaise surprise à attendre de "La Notte Anche Di Giorno". Si les changements de thème sont fréquents, les transitions sont tellement transparentes que l'on ne s'en aperçoit pratiquement pas et même les passages d'un sous-titre à un autre sont difficiles à détecter. Les compositions sont remarquables, toutes plus agréables les unes que les autres, faciles à appréhender et d'une grande fluidité, réservant tout de même à l'auditeur quelques surprises : un passage jazzifiant par-ci ('Impromptu pour S.Z.'), des variations classiques par-là ('La Staffetta'), un hymne chanté en français par une voix féminine ('Lenta Discesa all'Averno'). Mieux vaut aimer les claviers, du piano à queue aux synthétiseurs en passant par toute une panoplie d'orgues, sans oublier, touche 70's oblige, le Hammond et le mellotron. Très présents sur tout l'album, ils immergent littéralement l'auditeur sous leurs flots d'accords, noyant parfois les autres instruments, la faute à une prise de son manquant légèrement de relief.
Reproche mineur, pour souligner que la perfection n'est pas de ce monde. Et tous ne subissent pas sans broncher la domination des claviers. Le violon de Domenico Ingenito s'élève facilement au-dessus de leurs nappes pour s'envoler dans des arabesques et circonvolutions aussi virevoltantes que romantiques. Quant au chant d'Alessio Calandriello (qui se partage entre La Coscienza Di Zeno et une autre formation italienne, Not A Good Sign), il s'avère à l'aise dans tous les registres, expressif, théâtral sans être trop démonstratif, aussi convaincant en mezzo voce que lorsqu'il se déchire subitement, rappelant Riccardo Ruggeri (Syndone) en moins radical.
Avec "La Notte Anche Di Giorno", La Coscienza Di Zeno réussit à croiser Genesis avec IQ, Yes avec Sylvan, à faire du néo-prog mâtiné 70's, par petites touches, sans qu'aucune de ces influences respectables ne l'emporte. A faire tout simplement un très bon disque de progressif, à la fois complexe et mélodieux.