Il ne se passe pas un an, ou presque, sans que les Américains de Glass Hammer ne livrent leur offrande sous forme d'un album bien rempli d'un rock progressif ancré dans les 70's. "The Breaking Of The World" ne déroge pas à cette règle en s'inscrivant dans la tradition des "If", "Cor Cordium", "Perilous" et autres "Ode To Echo".
Que dire de plus qui n'ait déjà été dit à leur propos dans les chroniques de leurs précédents albums ? Vous vous demandez si l'influence des géants du rock progressif est toujours sensible, Yes en tête ? Oui, ne vous inquiétez pas (ou déplorez-le, si vous êtes d'humeur chagrine), la musique de Glass Hammer revendique toujours cette filiation. Les compositions sont complexes, extrêmement travaillées, contenant nombre de breaks, moult changements de rythmes et variations de nuances, qui perpétuent l'inspiration des Grands Anciens. Si l'on pense parfois à Genesis (l'intro très 'Watcher Of The Skies' et le chant gabrielien sur 'Third Floor', le pont de claviers aériens sur 'Babylon'), c'est encore et toujours à Yes que le groupe ressemble le plus, par ces mélodies solaires, presqu'en apesanteur, le chant léger, l'alternance d'ambiances orchestrales et intimistes et bien sûr l'extraordinaire jeu de basse de Steve Babb qui, tel Chris Squire, sort du rôle rythmique généralement dévolu à cet instrument pour le porter au niveau des claviers et des guitares.
Cependant, si par le passé le mimétisme était tel qu'il en devenait gênant, ce n'est plus le cas sur "The Breaking Of The World". Il ne s'agit plus de plagiat ou de clonage mais bien d'une filiation crânement assumée, Glass Hammer ayant su prendre de la distance vis-à-vis de son principal modèle. Certes 'Mythopoeia', 'North Wind' et 'Nothing Everything', dont le riff final semble tout droit sorti de 'Siberian Kathru', évoquent fortement la formation de Jon Anderson de par leurs atmosphères, ce qui n'est par contre pas le cas du long et magnifique 'Third Floor', modèle du genre progressif sophistiqué ou du jazzy 'A Bird When It Sneezes'. Ni de 'Sand' et 'Haunted', deux jolies ballades mélancoliques dont la simplicité structurelle permet à l'auditeur de reprendre son souffle entre deux titres plus alambiqués.
Pas très yessiennes non plus, les interventions de Steve Unruh (Resistor, The Samuraï Of Prog) à la flûte ('Babylon') et au violon ('Bandwagon'), mais dont les arabesques ont tout pour ravir les oreilles les plus délicates. Le jeu des musiciens est un véritable délice et c'est un plaisir renouvelé à l'infini que de redécouvrir chaque titre en suivant une fois la basse, une fois les claviers, une fois la guitare, … Si l'on retrouve avec plaisir la voix chaleureuse de Susie Bogdanowicz, le timbre plus pâle de Carl Groves a du moins le mérite de se fondre dans la musique sans la dénaturer.
"The Breaking Of The World" est peut-être la meilleure œuvre à ce jour de Glass Hammer dont le rock progressif de qualité ne doit rien à personne et plaira à tous les nostalgiques d'un prog' dit à l'ancienne. Genesis et ELP ne sont plus, Yes n'est que l'ombre de lui-même ? Sautez vite sur cet album qui comblera vos désirs !