Sorti
en 1989, "Presto", treizième album de Rush, est un album de transition
pour le trio canadien, un de plus. Le combo fonctionne par phases,
les fans connaissent le principe et assistent, avec cet opus, aux
prémices de l'éloignement des sons 80's caractérisé par une
moindre utilisation des claviers. Bref, Rush entre dans les 90's
quelques mois avant l'heure.
"Presto" porte en lui, plus que les albums de Rush jalonnant la traversée des
années 80, des approches Rock Progressif tout en ne reniant pas de
manière marquée les tendances Pop qui ont caractérisé les quatre
albums précédents, de "Signals" à "Hold Your Fire". Les rythmiques se
font plus rugueuses, et on les doit plus à la basse de Geddy Lee qu'à
la six-cordes d'Alex Lifeson. En fait, c'est bien l'instrument du
premier nommé qui construit la charpente des onze titres proposés
sur cet album. Le jeu du frontman a toujours été prépondérant
dans l'histoire du trio, mais ici sa basse n'a jamais été aussi
prédominante (écoutez l'incipit de 'Scars', proprement
phénoménal).
Une
nouvelle phase est donc entamée avec "Presto" mais une constante
demeure, à laquelle nous ont habitués les Canadiens depuis le
carton du single 'The Spirit Of Radio' : l'art de la mélodie
friendly couplée à un groove du feu de Dieu.
De
tubes, ce treizième album en déborde tout autant que ses quatre
aînés, avec notamment le dramatique 'The Pass' qui traite du suicide
des jeunes, 'War Paint' évoquant nos masques et artifices, ou
l'excellent 'Anagram' dans lequel tout le génie en écriture de Lee
éclabousse ce maelström ... d'anagrammes. Mais il serait inconvenant
d'omettre également le dystopique 'Red Tide', l’addictif 'Hand Over
Fist' dont il aurait été dommage qu'il reste au stade d'instrumental
comme prévu à l'origine, ou l'émouvant et décontractant morceau final 'Available Light'.
"Presto" n'eut pas forcément un impact immédiat sur les fans de Rush.
Cependant il est acquis qu'au fil du temps et des écoutes attentives
il décrocha une place préférentielle dans leur cœur. Alors, si
vous ne faites pas partie des purs et durs, mais si les Canadiens ont
à un moment ou à un autre accroché votre sensibilité et que vous
ne connaissez pas cet opus, n'hésitez pas une seule seconde, et
calez prestement "l'album aux lapins" de Rush aux creux de vos grandes
oreilles.