Il Balletto Di Bronzo fait partie de la grande famille des groupes de rock progressif italien (RPI) qui fleurirent à l'aube des années 70, le temps d'un ou deux albums "mythiques", avant de disparaître à jamais, faute de reconnaissance suffisante, et que l'ère du numérique réussit à ressusciter pour la plus grande joie de quelques mélomanes nostalgiques. A la nuance près que "Sirio 2222", premier LP de la formation transalpine, n'a rien d'un disque progressif.
Il suffit pour s'en convaincre de poser une oreille sur le premier titre, 'Un Posto', qui déroule un hard rock assez basique au son minimaliste : quelques riffs de guitare grinçants, une basse qui fait son boulot et une batterie mixée légèrement en avant mais qui fait preuve d'une belle énergie. La plupart des titres de l'album suivent ce schéma, mêlant au hard rock du premier morceau des touches de psychédélisme ou de rock 60's, un peu de blues et une bonne dose de fantaisie qui en font un ensemble attachant malgré une prise de son un peu brute. Marco Cecioni se révèle au fil de l'album un chanteur plein de ressources, aussi à l'aise en crooner de charme ('Meditazione') que dans des interprétations plus excentriques ('Ma ti Aspetterò', 'Ti Risveglierai Con Me').
Trois titres sortent pourtant de ce canevas et méritent qu'on les détaille un peu plus. Si 'Incantesimo' reste dans un registre blues/hard rock, il sort par contre du format couplet/refrain. Introduction sur un riff sombre, solo de guitare tenant de l'improvisation, sons suraigus et dissonances, chant plaintif, la ressemblance avec les premiers pas de Led Zeppelin ('Babe, I'm Gonna Leave You', 'Whole Lotta Love') est flagrante. Avec un petit côté hendrixien en prime. Intéressant et bien dans l'air du temps, même si le tout manque un peu du charisme de son grand frère.
Entre une intro et une fin constituées d'arpèges de guitare et d'un chant un peu lénifiant, 'Missione Sirio 2222' encapsule un pur délire psychédélique typé fin des années 60, entre onomatopées psalmodiées sur une mélodie lancinante, très "Hare Krishna", mini solo de batterie, cris vanderiens, et longue improvisation à la guitare. Le groupe semble cette fois avoir puisé son inspiration du côté des brumes marijuanesques de Pink Floyd ('Take Up Thy Stethoscope And Walk', 'Interstellar Overdrive').
Enfin, c'est aux Beatles que le troisième et dernier titre original fait penser. Avec son introduction de cordes (magnifique violoncelle), son clavecin et son chant suave, 'Meditazione', 'Eleanor Rigby' aux couleurs de l'Italie, s'avère l'un des meilleurs titres de l'album.
"Sirio 2222" a l'originalité propre à cette époque où libération des mentalités et évolution technologique permettaient aux plus doués d'être des artistes innovants. Néanmoins, l'album manque un peu de cohérence et, sans démériter, Il Balletto Di Bronzo n'a pas le charisme d'un Led Zeppelin ni d'un Pink Floyd. Il manque un peu de la sauvagerie d'un Plant et de la folie d'un Barrett pour que l'album soit pleinement convaincant. Il reste cependant un témoignage fidèle et intéressant d'une époque particulièrement créative.