Septième album pour le quintette transalpin, à la stature internationale. Et pour cause, "Jet Lag" va être enregistré à Los Angeles, fort du succès remporté lors de la tournée précédente aux Etats-Unis. Tout le monde le sait déjà à cette époque : décrocher une tournée aux States équivaut au jackpot, en terme de ventes d’albums s'entend ... Pour enfoncer le clou, PFM opère un véritable virage vers le jazz-rock, histoire de démontrer à quel point chaque membre est un musicien d’exception (mais était-il besoin de le prouver ?). Il faut dire que l’Italie n’a pas attendu 1977 pour faire montre d’immenses talents en ce domaine, Area en tête, mais aussi Etna, qui a frappé un grand coup deux ans auparavant, ou Arti E Mestieri.
L’album ouvre sur un titre sublime de Franco Mussida, carrément tout seul, à la guitare classique, pour un titre d’un calme et d’une beauté absolument renversants, évoquant la chaleur et le calme d’un rivage d’été au couchant. Remarquable ! Hackett au tapis, ou presque ! Le reste tient les même promesses, entre jazz funk led back, façon Kansas ou Mahavishnu Orchestra, le violon de Greg Bloch (un ami de Gerry Goodman !) y étant pour beaucoup bien sûr, ou bien encore Weather Report ('Jet Lag'), mais c’est aussi compter sans le Fender Rhodes, ou le Moog délicieux de Flavio Premoli qui n’est pas revenu au chant, hélas. Car si bémol il y a - et il y aura, pour la tournée à venir -, c’est le chant de Lanzetti , qui apparaît comme une vraie faute artistique : son anglais mal assuré, ses problèmes de justesse dans les aigüs (qui s’avèreront catastrophiques sur scène, la BBC en témoignant épouvantablement), ou même son vibrato hyper forcé (flagrant sur 'Breakin In', 'Cerca La Lingua', et 'The Left Hand Theory '). Difficile de s’y faire, comme sur l'album précédent ou avec Aqua Fragile. Flavio Premoli, pourtant sous-exploité (à part pour "The World Became The World"), avec sa voix sûre, son timbre chaud, sa puissance, finalement assez proche d’un Demetrio Stratos (Area), paraissait bien préférable (et les autres membres savent également bien chanter). Mais revenons aux nombreuses qualités du disque.
"Jet Lag" est une œuvre résolument solaire, radieuse, parfois contemplative (splendide 'Storia In LA'), au groove imparable (mais ça on savait déjà, Di Cioccio étant l’un des tous meilleurs batteurs du genre), laissant pleinement la place aux instruments, improvisant à loisir, sans pratiquement jamais tomber dans le bavardage, ce qui relève de la gageure pour le jazz-rock de cette époque, déjà sur le déclin. Les compos sont (bien) moins symphoniques et affichent une certaine décontraction, presque une fainéantise, propre à une après midi au bord de la piscine. La recette éprouvée ailleurs se vérifie tout au long du disque (un peu systématiquement peut-être) : les harmonies et breaks diaboliques se succèdent, débouchant sur le chœur harmonique des morceaux, et c’est un régal.
La basse fretless incarne tous les canons du genre à elle toute seule. Le violon offre aussi une intro a capella sur 'Cerca La Lingua', évoquant les merveilles de Stravinsky et son "Histoire Du Soldat" (magnifique !). La guitare se fond dans les structures, pour mieux en émerger et asséner quelques saillies discrètes mais fulgurantes. Elle s’offre un solo quasiment de bout en bout sur 'Meridiana', stratosphérique à souhait (plutôt inhabituel chez PFM), même si, pour une fois, on s’égare dans une jam un peu artificielle. On y tutoie Steve Hillage, pas moins ! L’archi-groove reprend ses droits pour des unissons alambiqués et franchement réjouissants, lorgnant presque vers Area, et offrant la part du lion au Fender Rhodes. Bref, du jazz, du jazz ! Les réfractaires auront été avertis !
D’un point de vue technique, PFM atteint là sans aucun doute son sommet, même si y on pourrait lui reprocher finalement un petit manque de personnalité, tant les accointances avec les ténors sont marquées (le choix des sons, breaks et cassures), et tant l’improvisation le dispute à la composition pure. "Jet Lag" demeure malgré tout un très bon disque. Sa version remasterisée de 2010 offre un bonus, avec 'La Carozza Di Hans' en live, dans une version de 14 minutes. Un morceau très ancien, déjà souvent publié en live (même si joué à un train d’enfer), comportant un interminable solo de batterie, et donc n’apportant pas grand-chose. Dommage… Pourquoi n’avoir rien publié de la tournée qui a suivi ? La suite se révèlera tout aussi évolutive, moins jazz, plus folk, moins prog', confirmant un intérêt pour des compositions plus simplifiées, mais toujours magnifiquement arrangées. Un chant du cygne pour certains.